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Zazen et vie quotidienne sont réalisation.

Zazen 1

Bien chers compagnons de la Voie. Je voulais vous parler un peu d’une chose qui reste souvent floue chez beaucoup de pratiquants du zen et qui est pourtant essentielle dans notre vie de pratique : la réalisation. Il est dit que lorsqu’on plante des arbres, après avoir fait un trou dans la terre, y avoir planté les petits arbres et avoir arrosé les pousses, peu d’arbres deviennent adultes avec un grand feuillage qui protège les voyageurs du soleil. Parmi ces arbres, certains alors donnent des fleurs, mais peu d’entre eux finissent à la fin par donner des fruits. Ces fruits portent des graines ou des noyaux qui peuvent être à nouveau plantés et donner de nouveaux arbres, dans un grand cycle de vie. Ce cycle est le cycle de la réalisation, de notre réalisation, car dans notre vie, il nous appartient à nous, et à nous seuls, de grandir, de fleurir et de donner des fruits, les fruits de la pratique et de la vie spirituelle. Pour moi le zen a à voir avec cette grande ouverture de l’être, de l’âme, pour chacun, universellement et donc pour tous les êtres, dans un élan de compassion naturelle et généreuse. Cette réalisation ne peut avoir de limites. C’est à ce moment-là, disait Etienne, que vous pourrez écrire le mot dai, grand.

Lorsque l’on parle de seulement zazen, bien sûr il y a la réalisation immédiate de zazen lorsque nous pratiquons zazen. C’est le côté le plus facile. Mais comment faire passer cette réalisation dans la vie de tous les jours de façon à ce que celle-ci aussi amène des fruits non seulement pour nous-mêmes mais pour tous. C’est le koan de notre vie. Au cours des siècles la vie de chacun, les circonstances, l’époque ont changé. Pour nous ce qui compte est la réalisation d’aujourd’hui. Bouddha a atteint sa propre réalisation, de nombreux patriarches aussi, le ch’an a insisté sur la réalisation de l’instant lorsque l’esprit s’éveille à la vie présente, Dogen en a beaucoup parlé, tout cela peut être lu, même étudié mais la véritable Voie se trouve en nous-mêmes. Comment alors se trouver en face de l’éveil, de la réalisation ou de l’illumination – selon les termes que vous voulez employer – non seulement en zazen mais dans chaque heure de chaque journée. Dogen affirme que pratique et réalisation vont de pair. Quelle pratique de vie devons-nous alors adopter pour qu’elle aille de pair avec notre réalisation dans le monde et avec le monde ?

Bien sûr il est possible de décortiquer Dogen : « Si nous parlons par exemple d’atteindre la réalisation, cela apparaîtrait comme si la réalisation n’existait pas avant. Si nous disons que la réalisation est arrivée, cela donnerait l’impression qu’elle se trouvait ailleurs. Et si nous parlons d’être devenus des êtres réalisés, cela voudrait suggérer que la réalisation a un commencement. » Vu de ce côté, du moment que nous sommes des êtres vivants, nous sommes éveillés, sauf que nous ne nous en rendons pas compte, nous ne voulons pas l’accepter car en l’acceptant nous devons également accepter que nous devons mener une vie d’éveil, une pratique d’illumination continue dans notre existence et ne plus éviter notre propre miroir. Ça c’est beaucoup plus difficile. C’est beaucoup plus difficile que de penser béatement que le fait de pratiquer zazen résout automatiquement et également en dehors de zazen toutes les questions. Etienne disait que les véritables questions du zen sont : quoi faire ? Comment faire ? Ce sont les questions de notre vie de tous les jours, que nous pouvons résoudre uniquement nous-mêmes à la fin, comme le vieux moine du Tenzo Kyokun est le seul à pouvoir faire sécher ses champignons, car c’est à lui de le faire. Il y a la réalisation cosmique, immédiate de zazen, dans le dharma dans lequel si vous voulez les états temporels des champignons frais et secs ne sont pas différenciés. Il n’en reste pas moins que nous vivons dans ce monde où les champignons frais sont frais, les secs sont secs. C’est dans ce monde-là que nous devons agir. Que le nirvana existe ou non, aujourd’hui nous sommes dans le samsara, que nous soyons Bouddha ou non, nous sommes des êtres humains, que nous soyons illuminés dès la naissance, ou avant, ou après, il n’en reste pas moins que le monde réel de notre existence est juste maintenant. Alors je pense qu’il faut aussi commencer par ça. « La vie spirituelle est actualisée en remontant ses manches à soi, pas celles des autres. » a dit Etienne.

Comment donc faire exister le silence de zazen au milieu des bruits de nos activités sans qu’il soit étouffé, mais sans également rester constamment muets, comment agir tout en conservant intérieurement la stabilité immobile de zazen, comment gérer notre activité mentale à partir de notre intuition du corps et de l’esprit, sont des questions qui contiennent en elles-mêmes une certaine façon de vivre inhérente aux pratiquants de zazen. Cette attention portée à l’harmonisation intérieure de ces extrêmes se trouve en plein milieu de l’éveil de notre vie quotidienne.

Zazen 2

Vous connaissez tous zazen. Vous savez tous que zazen ne consiste pas seulement à rester comme un plot sur son zafu en rêvant mais à prendre soin de sa posture et de sa respiration toujours et encore, et ceci à chaque respiration, comme une vie nouvelle, de l’oxygène nouveau, du sang vivifié amenant une force de vie renouvelée. A chaque instant une posture du corps droite et un esprit droit, lâcher le ventre, les épaules et abandonner les tensions et l’esprit, former un bel ovale avec vos mains comme tenir l’œuf du monde contre votre bas-ventre, prenez soin de votre stabilité sans vous y accrocher, prenez soin de votre tranquillité sans vous endormir et gardez les yeux ouverts. Même en zazen si le regard est porté à l’intérieur, ne perdez pas le regard clair sur le monde, vivez le zazen seul mais sans vous isoler. Ayez aussi présent à votre esprit que nous sommes ensemble, réunis, des frères et sœurs spirituels, alliés aussi bien dans le dojo que dans le monde. A vrai dire nous sommes si peu nombreux mais chacun de nous porte en lui le dharma entier. Bouddhas vivants, bodhisattvas actifs nous transportons une source spirituelle qui ne peut se tarir. Au contraire plus nous puisons cette eau vive, plus elle jaillit joyeusement.

Tout cela nous le comprenons, mais nous devons également accepter cette vérité. Katagiri dit : « Accepter cette vérité veut dire la digérer, digérer cette connaissance que nous avons déjà. Digérer veut dire que nous devons assimiler notre connaissance. Si nous avons cette connaissance, alors nous avons déjà la nourriture. Par cette nourriture nous pouvons survivre, nous pouvons vivre. Mais si la nourriture nous reste sur l’estomac, nous devenons malades. Ainsi cette nourriture doit être digérée. C’est très clair. Si nous possédons une certaine connaissance du monde humain, de la vie humaine, nous devons prendre le temps de la digérer. Ceci est appelé « accepter ». Accepter nous demande de prendre le temps de comprendre comment mettre en pratique notre connaissance, nos idées, notre espoir dans notre vie de tous les jours. Ce n’est pas si facile ; faire cela prend beaucoup de temps. Mais nous devons prendre ce temps. Si cette connaissance est complètement digérée, alors il ne reste aucune trace de cette connaissance, car cette connaissance se transforme en énergie, juste en vie. Tout ce que nous pouvons alors voir est juste l’énergie de la vie en action, chaque jour. Ceci est la réalisation. »

C’est la même chose dans la vie toute simple. Nous mangeons non pas pour vivre mais nous mangeons parce que nous sommes vivants. Nous ne pratiquons pas pour être éveillés mais nous pratiquons parce que nous sommes éveillés. Nous cuisinons, nous mangeons, nous digérons, nous rejetons ce dont nous n’avons pas besoin, et tout cela se transforme en énergie vivante. Aussi nous pratiquons zazen, nous intégrons notre corps et notre esprit, nous acquérons une connaissance de la vie spirituelle, nous oublions aussi ce qui n’est pas nécessaire à notre haute dimension humaine et ces traces disparaissent, nous laissant libres et pleins de vie et de joie. Ainsi est notre réalisation de tous les jours. Ne cherchez pas à compliquer l’éveil, ni l’illumination, ni la réalisation en croyant devoir atteindre des sommets de sagesse statiques. L’éveil de chaque jour est de s’éveiller à ce que nous vivons à chaque instant ; l’illumination de tous les jours est d’illuminer notre existence, c’est-à-dire ne pas en laisser une miette sans lumière. Inutile de chanter des sutras du matin au soir.

A la fois nous sommes des personnes éveillées et à la fois nous sommes nous-mêmes. Dans la vie de tous les jours, c’est bien entendu aussi le temps de la vie de tous les jours, comme tout le monde mais pas seulement. Il y a un temps pour zazen et un temps pour la fête. « La fête c’est le moment d’oublier zazen », disait Etienne. Il y a une histoire à propos de deux moines et un chien. Les moines sont en train de discuter dans une impasse et un chien arrive. Comme les moines sont habillés en noir, le chien ne comprend pas qui ils sont et se met à leur aboyer dessus et a l’air de leur en vouloir vraiment. L’un des moines dit à l’autre : chantons des sutras cela va calmer le chien. Bon ils s’y mettent et chantent des sutras. Mais plus ils chantent fort, plus le chien aboie. A la fin rien à faire ils sont coincés avec ce chien. Alors l’autre moine lui dit : bon apparemment tu n’arrives pas à faire taire ce chien. Le premier lui dit : et toi si malin, sais-tu comment arrêter ce chien ? Oui, lui répond-il. Alors vas-y. A ce moment le moine sort un quignon de pain de la manche de son kolomo et le donne au chien. Tout content le chien l’avale et s’en va.

Lorsque la Voie est digérée elle disparaît. La liberté intérieure est une préoccupation pour celui qui la recherche, mais pour l’homme libre elle est transparente, invisible comme l’espace. Il ne s’agit pas de rechercher zazen dans la vie quotidienne, mais pour celui qui porte en lui-même la pratique spirituelle, nourrie de son zazen authentique, attentif, intégré dans son corps, sa peau, ses os, son sang, et sa moelle, de sa posture, de sa respiration, reste alors l’énergie, la joie de la vie spirituelle. Le moine marche alors libre sur la terre qui l’accueille, sans tourments de l’esprit, ne faisant aucune différence entre le samsara et le nirvana. Son existence est instantanée. Bouddha racontait l’histoire de l’homme qui pour traverser un fleuve construisit un radeau. Il pagaie et traverse le fleuve sur son embarcation. Que diriez-vous de cet homme, si arrivé sur l’autre rive, il chargeait son radeau dont il n’a plus besoin sur son dos à la place de l’abandonner sur la rive et de partir léger ? Inutile de porter son zazen sur son dos quand il est juste vivant à l’intérieur, ne pesant rien mais au contraire allégeant notre être. N’ayez pas peur de vivre normalement tous les jours, la vie spirituelle est toujours là, avec zazen vous êtes vous-mêmes la vie spirituelle.

Zazen 3

Je vais vous raconter l’histoire des dragons du Xi-Xiang. C’est aussi une histoire de réalisation.

Il y avait une fois dans une province éloignée du Xi-Xiang un monastère isolé au fond d’une vallée entourée de hautes montagnes couvertes de neige. Le monastère comprenait les habitations des moines ch’an, un grand dojo, des cuisines et des locaux communs, le tout entourant une large cour où les moines avaient l’habitude de se promener. Il se trouva qu’un jour au milieu du zazen, les moines jeunes pour la plupart entendirent un grand froissement dans le ciel, en fait un bruit comme des ailes gigantesques. Et en effet un énorme dragon après avoir volé autour du monastère se posa dans la cour. Les moines eurent peur car le dragon était très impressionnant et prenait presque toute la cour.

L’abbé réfléchit et il se dit que la clochette avait pour pouvoir de faire fuir les dragons. Aussi envoya-t-il la clochette dans la cour pour faire fuir le dragon. Le moine pas très rassuré s’approche donc de la bête et sonne la petite clochette. Le dragon regarde ce spectacle et dans un grand soupir envoie un énorme nuage de vapeur bouillante vers la clochette. Cette vapeur était si bouillante en sortant directement de ses naseaux que la clochette s’en trouva fondue dans les mains du moine qui rejoignit le dojo en courant. Essoufflé il cria : il a fait fondre la clochette.

Bon, bon se dit l’abbé envoyons donc le kyosaku. Il choisit le plus gros moine, celui qui tapait très fort et lui dit d’aller chasser ce dragon à coups de kyosaku. Lui non plus n’était guère rassuré mais il y alla. Brandissant son kyosaku il cria au dragon : fous le camp ! Le dragon le regarda de ses yeux sombres et finit par cracher une longue langue de feu qui réduisit le kyosaku en cendres. Du coup, le moine s’enfuit, fit irruption dans le dojo pour crier : il a brûlé le kyosaku, il crache du feu !

Alors l’abbé envoya le sussho. Vas voir, fais partir ce dragon. Le sussho, sûr de lui, sortit et se planta devant le dragon. Il lui dit : je représente l’abbé de ce monastère, je n’ai pas peur de toi, envole-toi ailleurs, ta place n’est pas ici. C’est qui celui-là, se demanda le dragon et il ne bougea pas, pensant que comme dragon il n’allait pas s’émotionner en voyant un représentant de quelqu’un d’autre. Et alors ? dit le dragon. Alors, bon, rien, pensa le sussho et il s’esquiva pour reprendre sa place dans le dojo et fit signe à l’abbé que c’était raté.

Pffuh, se dit l’abbé, il faut donc que j’y aille moi-même. Je vais aller lui parler, ce serait vraiment le bout du monde si je n’arrivais pas à le convaincre, il se leva de sa chaise et il sortit. Il se mit quand même à distance respectueuse du dragon, parce qu’on ne sait jamais avec ce genre de bêtes. Il commença à lui expliquer les règles du monastère, les usages, lui fit remarquer qu’il dérangeait et que d’ailleurs dans un chapitre de Dogen, le Ju Undo Shiki, il était dit que les dragons n’avaient rien à faire dans les cours des monastères qui étaient réservées à ses disciples. Il continua de façon très persuasive pendant un quart d’heure, fier de son kusen au dragon, quand il remarqua qu’en fait le dragon s’était endormi et qu’il ne bougeait plus. Bon, bon, se dit l’abbé s’il s’endort ça ne sert vraiment à rien et il rentra s’asseoir sur sa chaise.

A ce moment un petit moine se leva et sans dire un mot sortit dans la cour. Il flanqua un coup de pied au dragon qui se réveilla. Il lui demanda alors :

  • D’où viens-tu ?
  • Je viens du haut Xi-Xiang, répondit le dragon.
  • Et que faisais-tu là-bas avant d’atterrir ici ? continua le petit moine.
  • Eh bien, répondit le dragon, je mangeais les moines des monastères, qui représentent ma nourriture préférée, car je ne mange ni gluten, ni produits laitiers. D’ailleurs je les mange tout crus.
  • Il y a beaucoup de dragons comme toi dans ta région du haut Xi-Xiang ? demanda le moine.
  • Justement, dit le dragon, c’est bizarre, dans le temps il y en avait beaucoup mais plus récemment le nombre de nos dragons a fortement diminué, nous ne sommes plus que quelques-uns. Mais en fait, toi, tu es qui ?
  • Moi, dit le moine, je suis un dragon du haut Xi-Xiang, mais vois-tu j’ai pris la forme d’un moine.
  • Comment ça ? Dit le dragon.
  • Oh, facile, dit le moine, tous les dragons qui viennent ici sont curieux et ils passent la tête par la fenêtre du dojo pour voir ce qu’il y a à l’intérieur et juste à cet instant ils deviennent directement des moines.
  • Alors là, dit le dragon qui n’était pas si malin que ça, je ne te crois pas, tu essaies de m’embrouiller ou bien ?
  • Non, non, dit le moine, d’ailleurs si tu ne me crois pas tu n’as qu’à passer ta tête par la fenêtre et tu verras bien toi-même ce qui va se passer.

Le dragon ne fit ni une ni deux et passa sa tête par la fenêtre du dojo et devint immédiatement un moine. Ceci explique deux choses : pourquoi les moines sont en fait des dragons, et pourquoi les dragons du haut Xi-Xiang ont disparu depuis longtemps.

Dans la vie de tous les jours il y a aussi des dragons qui ont pris la forme de gens ordinaires mais qui sont restés dragons à l’intérieur. On les reconnaît à leur arrogance, leur égoïsme obstiné, leurs manques de manières, ils essaient de tout dévorer, pensent qu’ils ont une queue plus longue que les autres, cassent tout sur leur passage, méprisent toute vie religieuse, parlent pour ne rien dire et ont encore des multitudes de mauvaises manières et de pensées, veulent avoir la première place parce qu’ils pensent cracher leur feu plus loin que tout le monde. Mais ils se cachent, ils ont rentrés leurs écailles, font attention quand ils soufflent, pour que cela ne se voie pas, mais à l’intérieur ils ont gardé un cœur de dragon fait de pierre volcanique, d’acide sulfurique et de flammes.

Et il y a des dragons qui ont pris la forme d’un moine. Leur cœur est fait de chair et de sang, ils ont apprivoisé leur dragon. Leur feu ne sert qu’à réchauffer les êtres qui ont froid ; ils ont laissé tomber leurs écailles n’éprouvant plus le besoin de se protéger. Ils n’ont pas perdu leur queue, ne vous inquiétez pas, mais ils ne l’utilisent que pour balayer leurs illusions. Ce sont des moines avec la force de dragons ; ils sont portés par leur pratique religieuse et ont abandonnés leurs ailes pour rester avec tous les êtres sur terre. Mais n’oubliez pas à la base ce sont des dragons aussi ni une petite clochette, ni un kyosaku ne les feront fuir, bien que souvent encore ils aient une tendance à s’endormir si on leur fait la morale, ou si s’ils s’ennuient lors d’un kusen qui ne les amuse pas. Il y en a aussi à Amsterdam, et à Genève aussi.

(Le zazen du soir est en silence.)

Zazen 4

Dans les kusen il vaut mieux des fois répéter les choses. Donc nous avons la réalisation en zazen, et la réalisation dans la vie quotidienne. Elles ne sont pas identiques mais elles sont intimement liées. On peut quand même dire je pense que sans réalisation dans notre pratique de zazen, pour nous qui avons cette pratique, il n’y a guère de possibilité de réalisation spirituellement satisfaisante dans la vie quotidienne. De zazen naît un grand désir d’une haute dimension humaine, une dimension même au-delà de notre condition passagère, avec le monde et avec tous les êtres, si bien que de vivre à côté de la plaque comme la plupart des gens ignorants malheureusement, ne peut plus nous satisfaire vraiment. Il faut donc passer à l’action 24 heures sur 24, si l’on peut dire. Autrement alors juste oublier : le new age, les jeux vidéo, le pouvoir, l’ambition, vivre sans risques, est à disposition entre autres multiples distractions, qui sont amusantes mais qui ne peuvent valablement prétendre à certifier une vie humaine. Moi aussi je m’amuse, mais je sais que je m’amuse, l’essentiel n’est pas là. L’essentiel c’est la réalisation avec le monde, les êtres, avec le vœu que tous soient éveillés, réalisés dans leur plus haute dimension. Sinon nous ne sommes que des borgnes au pays des aveugles.

La réalisation c’est de devenir maître. Maître de soi-même évidemment et non des autres. Etienne a dit : « S’il vous plaît, passez devant, devenez maîtres. » Vous ne pouvez pas attendre une telle réalisation de quelqu’un d’autre – ce qui ne veut pas dire que personne ne puisse vous aider – et rester disciples toute votre vie. Prenez un enseignement quelconque, car à la fin tout enseignement si écouté, travaillé à l’intérieur, c’est-à-dire questionné, est salvifique ; pour qu’un tel enseignement vous aide il faut que vous le digériez. Cette opération vous devez la faire vous-même, vous ne pouvez pas et ne devez pas vous contenter d’avaler un enseignement prédigéré par quelqu’un d’autre. « Ne gobez pas un œuf pondu par une autre poule », dit Lin-Chi. Tout enseignement est alors salvifique en ce sens que c’est mieux de l’écouter et de l’appréhender plutôt que de rester boulonné sur ses propres convictions. A ce moment tout devient enseignement, toutes les circonstances de la vie deviennent un enseignement, chaque défaite, chaque victoire est un enseignement. Alors votre réalisation dans la vie quotidienne prendra un envol à la vitesse d’une fusée. A ce moment le fait d’être maître de vous-mêmes disparaîtra, vous serez simplement libres, libres de vous-mêmes, transparents au monde et disponibles pour votre mission de moines qui est de sauver tous les êtres.

Bien sûr si zazen est en lui-même réalisation, la réalisation dans la vie quotidienne prend plus de temps, plus de vie. Prenez alors ce temps et ne vous échappez pas. Donc continuez encore, encore et encore, encore, comme dit Etienne, le samadhi éternel des Bouddhas, le samadhi des véritables êtres humains, pour l’humanité, pour les générations futures sans attendre quoi que ce soit de personnel pour vous seul. Et là vous serez entièrement satisfaits.

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