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Réflexions sur la foi

Journée zazen 5 septembre 2009, au Dojo de Genève

Zazen 1 

Il est dit souvent que les moines zen, et donc également tous les pratiquants de zazen, bien que libérés de croyances ont une foi profonde.

Une fois un disciple demanda à Bouddha : « comment avoir la foi ? » En guise de réponse, Bouddha lui plongea la tête dans l’eau et la maintint sous l’eau jusqu’à ce que le disciple soit vraiment au point de se noyer. Quant il put enfin se dégager et sortir de l’eau, il respira à pleins poumons.

  • Avais-tu besoin de respirer ? demanda Bouddha.
  • Oh oui, répondit-il en reprenant son souffle.
  • Eh bien, c’est cela la foi ! conclut Bouddha.

On peut toujours dans sa vie croire à beaucoup de choses. Par exemple on peut vraiment croire qu’on aime quelqu’un, c’est vrai et ensuite avec la vie ce n’est plus vrai. Et pourtant bien que la situation ait changé, cela ne change pas la force d’amour que chacun a en lui. Aussi des pratiquants continuent zazen pendant des années et par la suite si leur vie active change et eux-mêmes aussi un peu, alors ils arrêtent. Mais à l’intérieur leur désir de vérité reste intact. Comme la force de la vie. Les racines des arbres poussent le bitume, et les brins d’herbes et les fleurs y sortent aussi, c’est encore la vie.

A la surface, les phénomènes, les changements, les difficultés, toutes nos croyances et nos espoirs. Au fond de nous-mêmes restent les braises, tapies dans notre corps-esprit, comme la poussée de la vie qui anime tous les êtres vivants, les fleurs, les mouvements de la nature. En ceci, nous ne sommes pas différents de tout ce qui nous entoure, mais il faut alors enlever le couvercle que nous mettons nous-mêmes sur toute cette énergie vivante.

Pour retrouver tout cela en nous, ce qui ne disparaît jamais, il faut aussi des pauses pour reprendre contact. Une journée de zazen en est une bonne. Parce qu’on oublie. Nous oublions si facilement ce qui fait le centre de nous-mêmes, le point d’ancrage à partir duquel nous pouvons agir sans nous disperser complètement, des fois même jusqu’au point de nous perdre nous-mêmes. Ainsi ce contact confiant avec notre être est si important, et comme tout feu qui brule il faut constamment l’alimenter, sinon il peut s’éteindre dans notre conscience. Il est toujours là, mais nous ne le voyons plus, nous ne le vivons plus, comme un fruit sans noyau.

Tout cela est bien et évident, mais comment faire pour ne pas perdre ce contact avec notre foi ; c’est peut être ce qu’on appelle la Voie.

Zazen 2 

Dogen rappelle dans son chapitre Doshin, qu’en pratiquant la vérité de Bouddha, nous devons voir que la volonté de vérité est le plus important. Les gens qui savent ce qu’est la volonté de vérité sont rares. Il ne s’agit pas de voir notre propre esprit comme le plus important, mais constamment, c’est à dire jour et nuit, nous devons focaliser notre esprit sur comment doit être la volonté de vérité et nous devons espérer que d’une façon ou d’une autre la véritable voie existe dans ce monde. Il ajoute : « Dans une période dégénérée, il ne reste quasiment plus personne avec une véritable volonté de vérité ». C’est là que les pratiquants de zazen doivent s’impliquer.

Il ne s’agit donc pas de passer ses journées en se creusant la cervelle pour savoir où est en nous-mêmes cette volonté, d’essayer de savoir complètement ce qu’est la foi, si je la possède ou non, mais de décider que c’est inexorable, que je la possède même si je ne m’en rends pas compte et donc de rechercher non pas purement notre esprit à nous, mais de rechercher la voie du Bouddha pour tous. Les deux sont liés, en même temps retrouver sa foi, et en même temps la pratiquer dans sa vie de tous les jours. Dire pratiquer la volonté de vérité est plus simple.  D’abord la vérité sur soi-même.

Deux koans sont marrants :

Imaginez que vous soyez entièrement prisonnier dans un bloc de pierre. Comment en sortez-vous ?

Tout le monde pense d’abord que c’est impossible, puis ensuite se creuse la cervelle pour trouver une solution technique, comme pour un casse-tête chinois.

On sort du bloc de pierre en faisant un pas en avant ou sur le côté.

Autre exemple :

Une oie pond un œuf dans une bouteille. Plus tard l’œuf éclate et une oie en sort. Comment cette oie sort-elle de la bouteille ?

Alors le moine se retire pour méditer. Vingt ans plus tard il demande un entretien à son maître et lui avance qu’il a résolu le koan.

  • Comment l’as-tu résolu lui demande le maitre ?
  • L’oie est sortie lui répond le moine.

C’est nous même qui créons ces limites du bloc de pierre, de la bouteille, c’est donc à nous à les résoudre nous-mêmes.

  • Je n’ai pas la foi.
  • Aie la foi, millimètre par millimètre.
  • Aidez-moi à sortir, je suis prisonnier.
  • Sors !

Ou même :

Le disciple dit : « Lorsqu’il y a un désastre, comment l’éviter ? »

Et le maitre lui répond : « Le désastre n’existe pas ».

Et voilà c’est tout simple : se libérer immédiatement du désastre. Comme dire seules la vie et la mort elles-mêmes sont le Nirvana. Il n’y a rien à aspirer du style le nirvana et rien à rejeter dans la vie et la mort. Notre vie est juste la vie sacrée de Bouddha. Voulez-vous perdre votre vie sacrée de Bouddha ? Comment seriez-vous alors satisfaits ? Essayer de trouver une solution pour éviter les désastres, tout cela est s’échapper de sa vérité, à la fin tout devient absurde. Vous voulez oublier que vous êtes les dépositaires vivants de toute la foi de tous les êtres ? Non, il faut dire non à ça

Etienne disait : « La foi, c’est dire, oui c’est vrai. » Oui, la vie de Bouddha, notre vie de Bouddha, oui c’est vrai, cette vie là est la vérité. Même si tout votre corps et votre esprit essaient de s’échapper, alors au fond de vous dites « Oui, c’est vrai, cette vie est ma vrai vie de Bouddha ». Même si mes habits sont sales, c’est une activité de Bouddha. Même si c’est la catastrophe c’est toujours Bouddha, rien ne peut diminuer ou m’enlever ma foi profonde qui remplit mon être et ma vie.

Il vaut mieux voir les choses de façon très simple. La vie la plus haute dans le bouddhisme mahayana est celle du bodhisattva. La salvation du bodhisattva trouve sa source dans le fait qu’il sauve les êtres, qu’il en fait le don. Donc voilà avoir complètement foi en soi-même et dans le vœu de sauver tous les êtres.

Si vous voyez quelqu’un qui se noie, est-ce le moment de vous demander si vous savez nager ? SI vous voyez le monde occidental aujourd’hui s’enfoncer de plus en plus dans une société où le don, la spiritualité, l’amour sont de plus en plus remplacés par les aspirations personnelles , le matériel et la défense de son propre ego, est-ce vraiment le moment de se demander si oui ou non nous avons la foi ? Oui bien sûr nous la possédons, si nous qui sommes si peu nombreux ne possédons pas la foi de Bouddha, avec tout ce qui nous habite, alors ou peut-elle bien être ?

Il s’agit de croire en sa propre foi, chacun décide de sa foi, elle ne vient pas du ciel ou d’un patriarche quelconque, bien sûr ça peut aider, elle sort de votre décision, car vous avez besoin de cette foi, solide, profonde, pour être un bodhisattva. Alors en vous-mêmes dites : « Oui, c’est vrai ».

Zazen 3 

Bien sûr avec la foi, le zazen régulier, encastré dans la vie, en faisant totalement partie, c’est beaucoup plus facile. La pratique de zazen sans la foi, c’est comme le gigot sans ail, ça se mange mais ça ne se déguste pas.

Si on parle plutôt de volonté de vérité, alors il faut aussi voir la volonté. C’est-à-dire pas seulement la vérité par rapport au mensonge, mais la vérité elle-même, ce que nous sommes sans biaiser, la vérité de notre vie, comme se voir le matin dans la glace, voir son vrai visage et son cœur aussi. Ils n’ont pas forcément le même âge d’ailleurs.

Donc aussi volonté. C’est également très simple, si vous ne voulez pas être heureux, vous ne le serez jamais, si vous ne voulez pas aimer quelqu’un, une femme, un homme, alors vous ne les aimerez jamais et si vous ne voulez pas la vérité, vous ne la posséderez jamais en vous-même. A force d’histoires, de patriarches qui s’éveillent grâce à une bricole qui leur tombe dessus, certains pratiquants croient qu’ils doivent attendre que le miracle se passe, que l’illumination vienne d’elle-même. Peut-être ? Pourquoi pas ? Chacun est touché ou non par de multiples merveilles ou enseignements dans sa vie, encore faut-il les reconnaître. Sans ce désir profond de vérité, sans cette volonté, alors vous ne les remarquerez pas. Autour de la city à Manhattan, les buildings sont si hauts que les habitants ne remarquent plus le bleu du ciel, pour le voir, il faut vouloir lever la tête et apercevoir.

La foi, c’est aussi la même chose, un peu le même processus, il faut également avoir la volonté de la foi. Peut-être me direz-vous : « Ce n’est pas en regardant l’horizon le matin que ça fera lever le soleil ». Et pourtant si vous le faites, alors le soleil se lèvera pour vous et éclairera votre journée. Si vous désirez la pluie, ce n’est pas forcément que ça la fera tomber, mais lorsque les premières gouttes couleront sur votre visage, vous y trouverez un grand bonheur. Il s’agit d’un grand désir, le désir d’être habité par la foi, par la vérité. Il faut aussi faire quelque chose, ne pas penser que le zen est là pour vous donner l’illumination, ou que la terre entière va vous donner la grande satisfaction que vous désirez, vous devez décider aussi : « Oui, j’ai la foi, oui je veux et je fais la vérité ».

Une fois un disciple demande à Maître Unmon :

  • Y a-t-il quelque chose qui surpasse le patriarche ?
  • Oui, répond le maître, le petit pain au lait.

Ne cherchez pas une foi intellectuelle, une idée de foi, une explication de ce que pourrait être la foi, mais voyez votre foi dans le plaisir du réel, de votre vie une pratique réelle, ce qui vous satisfera réellement. Chaque fois essayez de voir les choses encore plus simplement.

Voilà, foi éclairée, foi du charbonnier, comme vous voulez, mais ne cherchez pas de l’eau au milieu du lac, ou l’air que vous respirez, l’espace dans lequel vous évoluez, c’est comme votre foi, ils sont partout.

Jinshu a dit : « Quand l’homme ordinaire connaît, il devient un sage et quand le sage connaît, il devient un homme ordinaire ». Vous voyez à la fin, il n’y a que des hommes ordinaires. Une fois, quelqu’un vint rendre visite pour la première fois à Maître Jinshu. Au fond du jardin, il aperçut un magnifique vieillard assis dans une profonde méditation, en zazen. Le visiteur avisa le jardinier et lui demanda si ce vieillard si respectable était Maître Jinshu. Alors le jardinier lui répondit : « Non, pas du tout, Jinshu, c’est moi. Lui, c’est mon meilleur élève ». La foi, c’est simple.

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