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Obaku

Zazen 1

L’essentiel de la Transmission de l’Esprit. Chacun bien sûr voudrait savoir exactement ce que veut dire la transmission de l’esprit, y a-t-il vraiment quoi que ce soit qui soit transmis, est-ce public, tout simple ou au contraire caché. A partir de là souvent les imaginations démarrent car les gens veulent toujours trouver autre chose, quelque chose d’un peu spécial, et aussi les cérémonies de transmission sont secrètes et se déroulent la nuit si bien que cela est propice à aiguiller leur curiosité.

Voyons un peu ce dialogue où Obaku justement répond à cette question :

Si vous dites que l’esprit peut être transmis – comme dans i shin den shin que l’on utilise souvent – comment alors pouvez-vous dire qu’il n’est rien ?

  • Ne rien atteindre ni obtenir est avoir l’esprit vous être transmis.
  • Mais alors s’il n’y a rien et pas d’esprit, comment alors cela peut-il être transmis ?

Vous avez entendu l’expression « la transmission de l’esprit » et donc vous pensez que quelque chose doit être transmis. Vous faites erreur. Ainsi Bodhidharma a dit que lorsque la nature de l’esprit est réalisée, il n’est pas possible de l’exprimer par des mots. Clairement alors, rien n’est obtenu dans la transmission de l’esprit, or si quoi que ce soit puisse être obtenu ce n’est certainement pas de la connaissance.

Zazen 2

Bon me direz-vous peut-être, en quoi cette question de la transmission de l’esprit a-t-elle une quelconque influence sur ma vie. Quelqu’un qui ne pratique pas une voie spirituelle peut effectivement n’y attacher aucune importance, et à vrai dire c’est le cas d’à peu près tout le monde. Mais nous sommes des moines, des nonnes et des pratiquants qui portons cette voie pour l’humanité. Alors si vous voyez la transmission du zen et de l’esprit du zen seulement comme un savoir ou même comme si l’esprit de quelqu’un serait transmis à quelqu’un d’autre, ne seriez-vous pas en train de vous voir comme des visiteurs attendant que la caverne aux trésors s’ouvre pour vous, attendant que quelqu’un arrive avec la clé. Voyez plutôt que votre esprit, l’esprit des patriarches, l’esprit de tous n’est pas séparé et que c’est cela qui apparaît en chacun. A ce moment votre vie de pratique passe de visiteur à porteur de la clé, porteur de cet esprit, porteur de la Voie. Les esprits se rencontrent, la porte de la caverne s’ouvre d’elle-même et vos complications sur ce sujet disparaissent. L’esprit est libre, simple, transparent.

Mais voilà comme dit Obaku : «  Les gens du monde ne peuvent identifier leur propre esprit. Ils croient ce qu’ils voient, ce qu’ils entendent, or ce qu’ils ressentent ou savent, est l’esprit. Ils sont bloqués par le visuel, l’auditif, le tactile, et le mental, ainsi ne peuvent-ils voir l’esprit brillant de leur esprit originel. » « Cet esprit, ajoute-t-il, est illuminé, et pur comme la vacuité, sans forme. Toute pensée dévie de cette source réelle. »

Par exemple même des pratiquants de la Voie des Bouddhas et des Patriarches croient qu’ils pratiquent pour obtenir l’éveil ou l’illumination un jour, lorsqu’ils auront atteint une plus grande sagesse, auront pigé ce qu’est finalement l’esprit, alors que la source à partir de laquelle ils pratiquent zazen est justement l’éveil, l’illumination dont ils sont porteurs comme toutes choses, car ils sont vivants. Si vous prenez Bouddha comme l’icône de la pureté et de la liberté et considérez que tous les autres êtres sont en fait ignorants et remplis d’illusions, personne ne pourrait alors atteindre l’illumination, car l’esprit de Bouddha et l’esprit de tous les êtres sont unité et les mêmes ; il n’y a rien de plus chez Bouddha, et rien de moins chez les gens ordinaires. « Intrinsèquement il n’y a rien de concret dans la bouddhéité, il s’agit juste d’une perception ouverte, d’une clarté sereine, et d’une subtile félicité », dit Obaku. C’est également pourquoi le Bouddha a dit : « Dans l’illumination suprême et parfaite, je n’ai rien acquis du tout. ». Bon voilà on y est, cesser de croire que l’on va être différent comme un papillon qui sort de sa chrysalide ; la transmission n’est pas une potion magique, vous êtes juste touché par l’esprit de tout à la place de rester coincé dans votre esprit, mais vous ne changez pas de peau, vous n’êtes pas différents. Acceptez-le aussi à la place de croire que vous pourriez être différents. Vous êtes illuminés avec votre propre corps, avec votre vie, avec votre esprit mais pas uniquement avec seulement le vôtre. Et votre ego sera toujours là.

Il ne s’agirait pas de croire que cela est hyper transcendantal, que vous seriez alors un être ascensionné, tout cela s’ancre dans la réalité. Nous parlons ici d’Obaku, donc de l’esprit du ch’an, libre, ouvert, transparent. Dans l’esprit du ch’an rien n’est transcendantal, séparé du concret. L’homme du ch’an s’engage dans les activités de la vie ordinaire, saute sans peur dans les phénomènes, et de façon simultanée les transcende de telle façon que le concret et le transcendantal dans sa vie sont en unité et les mêmes. Il vit dans le temps et l’espace comme tout le monde mais n’y est pas limité. Pour lui le limité demeure au sein de l’illimité, de l’infini, et l’infini demeure dans le limité. Ils sont totalement inséparables. Les Bouddhas, les êtres sensibles et son esprit ne sont en rien différents. La réalité ultime se trouve dans notre vie de tous les jours, il est si joyeux d’y voir notre éveil, sans chercher au dehors ou chez quelqu’un d’autre, remplis de notre amour de la liberté. Si nous ne réalisons pas la vérité du ch’an ou du zen à partir de notre propre expérience mais que nous cherchions à l’apprendre à travers des mots et à partir de là proclamions que nous comprenons le ch’an, comment alors pourrions résoudre le problème de la vie et de la mort, de notre vie et de notre mort. « Dans le zen, disait Etienne, chacun s’adresse à soi-même. » Ne perdez pas votre temps.

Croire qu’il pourrait y avoir quelque chose de plus chez certains ou de moins chez vous ne vous amènera que dans un état de confusion inutile. Regardez-vous vous-mêmes, non pas dans le miroir de votre ego mais dans le miroir ancien, dans lequel se sont regardé tous les Bouddhas et tous les patriarches, et dans lequel se voient tous vos compagnons de la Voie. Ouvrez votre esprit et soyez vous-mêmes, car personne ne peut vivre à votre place. Un moine demanda une fois à son maître : qui est Bouddha. Il lui répondit : qui es-tu ? Car si vous ne vous voyez pas ainsi alors qu’allez-vous faire ? Comment allez-vous gérer votre vie ? Comment allez-vous réaliser au mieux que vous le pouvez votre vœu de sauver tous les êtres. Franchement c’est mieux d’être Bouddha qu’être bloqué par des hésitations stériles, qui finalement ne servent à rien et n’aident quiconque. La question est plutôt : comme être éveillé que dois-je faire, comment dois-je le faire ? Et non se dire je ne crois pas que je le sois, comment pourrais-je moi le devenir et bla bla bla. L’esprit de la Voie nous le possédons, il suffit de regarder sincèrement en nous-mêmes, sans tricher, sans biaiser, sans regarder à côté et de porter le bébé, non de se masturber. C’est simple.

Etienne dit : « Cette pratique, c’est avancer même si on a peur, même si on a la frousse, de telle sorte que notre vie puisse rencontrer même un petit peu l’enseignement du Bouddha, l’enseignement de la vérité. » A ce moment notre esprit, l’esprit de tous les êtres, de tous les patriarches qui nous ont devancés, et l’esprit de toute chose n’est plus séparé. Les questions sur l’esprit disparaissent, nous ne restons pas sur notre propre esprit, notre égoïsme disparait, nous sommes dans notre maison et nous pouvons écrire, comme disait aussi Etienne, le mot dai, grand. Dogen le dit aussi : « C’est seulement à ce moment-là que vous pourrez écrire, comprendre, étudier le mot dai. » Alors, la transmission est partout, chacun la porte en soi, chacun fait face à la transmission future, pour les générations à venir, le bien. « Pratiquer la Voie, dit à mon souvenir Etienne, c’est remonter ses manches à soi et non celles des autres. » Les poissons nagent dans l’océan sans le voir c’est naturel ; nous sommes dans cette transmission, c’est naturel aussi.

Zazen 3

ème patriarche, Eno et Jinshu, il décida également de faire passer une épreuve aux trois moines les plus aptes à le remplacer. Il les appela donc dans sa chambre et après les salutations d’usage et quelques mots amicaux, il sortit de son armoire trois boîtes identiques en bois. Il en remit une à chacun des trois moines anciens en leur disant : « Je voudrais que vous me rameniez dans vos boîtes ce qui est pour vous le plus important dans la transmission du zen. Prenez votre temps mais soyez sûrs de ce que vous y mettiez et surtout restez sincères avec vous-mêmes. Lorsque j’aurais à nouveau les trois boîtes en ma possession, alors selon leur contenu et vos explications, je déciderai lequel d’entre vous aura ma transmission du dharma. »

Comme ils étaient rentrés tous les trois, le jour vint où l’abbé les appela et leur demanda d’ouvrir leur boîte.

  • Ok, tu n’as pas tort, il m’est impossible de dire que tu pourrais avoir tort mais laisse-moi te poser néanmoins une question.
  • Oui, dit le moine.
  • Si tu ne ramènes rien et qu’en plus tu jettes la boîte, qu’il ne reste donc rien, aucune trace visible, comment les générations futures sauront-elles que je t’ai remis la transmission ?
  • I shin den shin c’est juste entre vous et moi, c’est l’essentiel, cela ne regarde pas tout le monde, répondit le moine.
  • Bien dit l’abbé, mais si c’est la seule chose à faire et que tout est uniquement entre toi et moi, ceci devrait être également le cas pour tous les patriarches qui nous ont précédés. Alors je te demande, comment sais-tu que moi je possède la transmission du dharma, comment sais-tu que je l’ai reçue et comment pourrais-tu savoir de qui je l’ai reçue ?

Là franchement le moine est perturbé, Il pense même que peut-être il aurait mieux fait de ramener des reliques ou du sable. Finalement il dit à l’abbé :

  • Bon d’accord donnez-moi alors quelque chose.
  • Que puis-je te donner, dit l’abbé, du sable, un bout de relique ?
  • Non, quelque chose qui vienne de vous.
  • Mais rien ne m’appartient dans la transmission, dit l’abbé, je ne suis qu’un passeur.
  • Dans ce cas dit le moine, donnez-moi ce que vous tenez de Bouddha et ce qui a été transmis à travers tous les autres, si vous le voulez bien.

Zazen 4

Obaku est un des représentants principaux de la ligne : seulement l’esprit, pour lui la réalité ultime était l’esprit, c’est-à-dire qu’il appelait ce qu’il ressentait comme la vérité ultime du nom de l’esprit. L’esprit n’était pas quelque chose pour lui, mais l’indicible, comme la source de la sagesse. Chercher l’esprit avec l’esprit est une quête impossible, il essayait d’exprimer une sorte de vérité ultime, que peut-être nous ressentons nous-mêmes sans pouvoir la toucher. Il exprime en essence que nous possédons cette fontaine vivante à l’intérieur de nous-mêmes, mais nos cœurs courent après des choses extérieures et nos esprits sont occupés tresser des distinctions comme des cheveux coupés en quatre et de rigides concepts nous servent de cocon pour notre petit ego.

Voici ce qu’il dit : « Si les pratiquants du Tao ne s’éveillent pas à cet esprit fondamental, ils sont portés à créer un esprit en plus de l’esprit, de chercher Bouddha à l’extérieur d’eux-mes, et de rester attachés à des formes et des pratiques dans l’entretien de leur vie spirituelle. Toutes ces voies sont erronées et ne conduisent pas à un éveil suprême. L’adoration et la dévotion pour tous les Bouddhas de l’univers ne sont rien en comparaison de suivre un seul homme du Tao qui a abandonné son esprit égotique. » Donc si nous voulons ouvrir notre esprit à une dimension plus universelle, nous devons abandonner nos concepts et nos idées restreintes, surtout celles que nous pourrions avoir sur le ch’an ou le zen.

C’est à la fois simple à comprendre et subtil : d’abord abandonner son propre esprit, disons ses propres ruminations, s’ouvrir à une universalité de toutes choses sans aucune séparation entre nous-mêmes et tout ce qui nous entoure, s’ouvrir à ce qu’il appelle l’esprit. Mais celui-ci ne réside nulle part, c’est comme un univers de vacuité d’esprit, ou tout esprit particulier n’est présent qu’en termes de potentialité, non identifié, non matérialisé ni fixé sur quoi que ce soit. Alors nous pouvons, sans nous y attacher retourner au monde de l’esprit, de notre esprit qui après cette expérience est ouvert à tout.

On pourrait comparer cela avec le monde de la nourriture. La plupart des gens ne portent aucune attention au fait de se nourrir, à sa signification par rapport à être vivant et entretenir sa vie, son corps et son énergie libre. Aux Etats-Unis c’est flagrant, ils n’ont aucune conscience et s’empiffrent de trucs gras et sucrés invraisemblables jusqu’à être malades des artères, du cœur, ou du cerveau englué dans un trop de nourriture. Ils bouffent et voilà. Un jour quelqu’un jeûne pendant une période assez longue, il rentre dans le monde où il n’y a pas de nourriture. Bien sûr en réalité la nourriture existe mais pour lui elle ne réside nulle part, il vit dans le monde de la vacuité de nourriture. Et puis un jour il décide de manger un petit quelque chose, alors là il comprend vraiment ce qu’est la nourriture, car à la fois existe la réalité de ce qu’il mange, et la dimension de la vacuité de la nourriture qu’il a à l’intérieur de lui l’ayant expérimenté. Vous voyez le parallèle ?

C’est la même chose avec tout dans notre vie et avec notre esprit. Si nous restons paralysé dans notre vie et notre esprit commun, à raz les pâquerettes, nous passons notre temps d’une manière qui à la fin nous paraîtra absurde. Si nous voyons toute l’histoire de notre karma, notre univers, les créations et les extinctions, notre esprit et sommes capables de l’oublier un peu et que nous nous ouvrons à tout, à l’esprit dirait je pense Obaku, alors nous pouvons revenir à notre vie. Nous la verrons différemment, elle sera illuminée par tout, nous vivrons éveillés à la fois à nous-mêmes et à ce qui nous entoure, libres.

Une fois quand j’étais encore jeune j’étais dans les Charentes avec mes parents. Bon à force que ma mère veuille prendre les petits chemins parce que tu comprends c’est quand même beaucoup plus joli, bien sûr on se perd avec la voiture. Mon père tirait la gueule car il avait peur de salir sa voiture de fonction de la commune de Lausanne. Bref, on finit dans la cour d’une ferme. On demande au paysan le chemin de la ville la plus proche et il nous répond qu’il ne savait pas où c’était. En fait il n’était jamais sorti de son village, c’était vers la fin des années 50, aujourd’hui cela surprend mais à cette époque dans les campagnes reculées cela n’était pas tellement inhabituel. Alors je n’ai aucune idée s’il était content ou non de sa vie mais elle était quand même très limité en tout cas spatialement.

Pour aimer un endroit tout en se rendant compte où on vit, il faut alors connaître le non-endroit, l’universalité du monde. A ce moment le regard que l’on jette sur son village est très différent que si on n’a jamais mis les pieds dehors. Donc la véritable saveur donnée aux choses provient de cette saveur unique, parsemant la vacuité. A partir de cet esprit, tout eut se mettre en place dans notre vie à la place de rester collé dans un aspect particulier.

Comprenez alors bien la saveur de zazen, avec le corps en équilibre, la respiration tranquille, et le cerveau libre de ses pensées récurrentes habituelles. Nous nous ouvrons à la vacuité de l’esprit. Il ne s’agit pas d’y demeurer constamment comme un dévot stupide, ce qui ne conduirait qu’à un isolement stérile, mais ensuite de retourner à nos activités de chaque jour, avec cette énergie ouverte, portant en nous cet esprit libre et de pouvoir alors finalement goûter la véritable saveur du sel, de la nourriture, de l’endroit où nous vivons, et de notre esprit. C’est toujours nous-mêmes mais certains attachements ont disparus. On dit alors : voyez ce moine libre qui marche sans peur sur la terre qui l’accueille. C’est bon pour tout le monde, à ce moment les fruits peuvent se développer, donner des graines ou des noyaux, propageant cette vie éveillée partout. C’est mieux. Cet esprit est ce qu’on appelle notre nature originelle de Bouddha. « Elle est vacante, omniprésente, silencieuse, pure ; c’est la paix glorieuse et mystérieuse et c’est tout ce qu’on peut en dire. Vous-mêmes vous devez vous y éveiller et pénétrer ses profondeurs », dit Obaku. Allez-y donc, pénétrez au plus profond et atteignez cette joie sans nom, l’esprit de votre vie réelle.

Zazen 5

Un jour lors du samu Obaku arriva lui aussi avec une houe dans ses mains. En regardant derrière lui il vit Lin-chi qui suivait avec une pioche :

  • Où est ta houe, demanda-t-il.
  • Quelqu’un la porte, dit Lin-chi.
  • Viens ici je voudrais échanger quelques idées avec toi sur un certain sujet.

Néanmoins Lin-chi resta encore longtemps avec Obaku et ils eurent de nombreuses confrontations et luttes, comme deux boxeurs qui ne peuvent se séparer.

Un jour un moine demanda à son maître : « Maître comment puis-je éviter le désastre ? » et le maître lui répondit : « Le désastre n’existe pas. ».

Continuez tous à pratiquer zazen, ouvrez la fenêtre sur la liberté et changez de vision du monde, sans peur et avec un courage indestructible.

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