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Les six mondes de la roue du samsara

Dans la cosmologie bouddhiste il existe six destinées, ou six mondes, dans lesquels se réincarnent les êtres sensibles d’après leur karma lié à leurs actes des vies antérieures. Elles sont représentées de façon imagée sous la forme d’une roue de l’existence, ou roue du samsara.

Les six destinées qui forment la roue de la vie ou du samsara, peuvent être vues comme six mondes, six royaumes d’existence. Selon la doctrine bouddhiste originelle, les êtres naissent dans l’un de ces royaumes, et y vivent jusqu’à ce qu’ils arrivent à changer leur karma. Ces six sont classés du plus élevé ou plus heureux, jusqu’au plus bas le royaume infernal où seul existe dukkha : les royaumes des dieux, des titans ou guerriers, des humains, des animaux, des esprits affamés et des êtres en enfer. Tous ces mondes sont des mondes humains.

Les six mondes peuvent représenter aussi six états d’esprit dont nous pouvons faire l’expérience durant notre existence et à travers lesquels nous transmigrons. Qui n’a pas fait l’expérience de ces six mondes qui sur le moment lui ont paru être la réalité. Nous faisons des fois l’expérience de ces états d’esprit si fortement nous semblons vraiment vivre dans un autre monde : le monde céleste où tout va bien, tout roule, ou le monde infernal, celui des esprits affamés, avides, nous retrouver comme des animaux ou comme des guerriers jaloux. Lorsque nous sommes envahis par l’un de ces mondes nous ne réalisons pas toujours qu’ils ne sont que des états de notre esprit, des états irréels que nous créons nous-mêmes. Je vous propose de regarder chacun de ces mondes sous la lumière d’un état d’esprit, d’un monde que nous  créons dans notre existence.

D’une manière mondaine par exemple : le monde des titans ou guerriers serait égal au monde de la politique et des affaires, le monde des êtres affamés égal au monde du désir possessif, le monde infernal au monde de la maladie mentale, de la guerre, au monde dans lequel nous ne trouvons plus rien de bien, et le monde humain au monde des êtres qui disposent de la capacité de choisir.

Les trois premiers, le monde des dieux ou des êtres célestes (deva), le monde des demi-dieux belliqueux ou titans (asura) et le monde des être humains sont appelés « les trois destinées bienveillantes », où les êtres sont plus ou moins vertueux : il y a du plaisir et de la souffrance. Les trois derniers, le monde des animaux, des êtres faméliques et celui des enfers (naraka) sont appelés les trois destinées non bienveillantes, où les êtres manquent de vertu, et où il n’y a quasiment que de la souffrance.

Le monde des dieux

Tout d’abord, le monde des dieux. Le monde des dieux représente un état d’esprit heureux, un état de relaxation, on est content avec l’esprit paisible. C’est un état dans lequel tout se passe très bien, tout fonctionne, on pourrait dire le monde de sukkha, un état dans lequel il n’y a ni obstacle, ni difficulté, ni problème. Mais ce monde ne dure pas, car c’est un monde humain.

C’est aussi le monde de l’emprise de l’orgueil, les êtres y sont fiers de leur état. Ils connaissent certes de profonds états méditatifs, mais ils y sont trop attachés. Ce n’est pas une méditation transcendante dirigée vers tous les êtres. Maîtrisant peu compassion et de sagesse, ils finissent tôt ou tard par « chuter » lorsqu’ils sont parvenus au terme de leurs mérites accumulés et retombent dans des mondes inférieurs.

Le monde des asuras, ou demi-dieux

Deuxièmement, le monde des asuras, ou titans. C’est un état d’esprit agressif, compétitif avec beaucoup d’énergie, trop d’énergie, entièrement tournée vers l’extérieur. Il y a de l’agitation, de la suspicion, de la jalousie. Les asuras sont en lutte contre les dieux pour la possession de tous les souhaits. Cet état d’esprit mène à courir sans fin après la richesse matérielle, après un niveau de vie toujours plus élevé. C’est un état d’égoïsme sûr de soi : vouloir être meilleur que les autres, supérieur à eux. Vouloir même contrôler les autres, exercer un pouvoir sur eux et les dominer.

On y renaît sous l’emprise de la jalousie et de l’envie. Ce monde est plus spirituel que celui des humains, mais on y passe quand même une bonne partie du temps à se battre avec les dieux sous l’emprise de la jalousie. Le contraire est d’être content de ce qu’on a.

Le monde humain

Troisièmement, c’est le monde dont l’état de conscience est spécifiquement humain. Il n’est ni extatique ni tourmenté, ni férocement compétitif ni bêtement sensuel. Dans cet état nous sommes conscients de nous-mêmes et des autres. Nous satisfaisons de façon raisonnable les besoins objectifs humains, tout en sachant qu’ils ont leurs limitations. C’est un état dans lequel nous nous vouons au développement spirituel, ce qui en fait sa spécificité humaine, bien que la plupart des êtres humains n’en fait l’expérience que de façon intermittente et que certains ne la font jamais.

C’est le monde dont nous faisons l’expérience tous les jours. On y renaît surtout par attachement à notre corps et sous l’emprise du désir. Seul le monde humain permet d’accéder à l’éveil : on parle de précieuse existence humaine.

Le monde des animaux

Quatrièmement, le monde des animaux. C’est l’état de complaisance dans des purs plaisirs des sens. Dans cet état, on n’est intéressé que par la nourriture, le sexe et le simple confort matériel. Quand nos propres désirs pour ces choses sont satisfaits, nous sommes alors gentils et dociles, mais quand nous sommes frustrés nous devenons dangereux, comme des animaux sauvages.

Le Monde des Animaux est le monde de l’ignorance accomplie et de la stupidité – rien ne fait assez de sens pour nous. Nous avons l’impression de ne rien comprendre à ce qui se passe.

Le monde des esprits affamés

Cinquièmement, le monde des pretas, ou esprits affamés. C’est l’état de désir névrotique, par exemple de nourriture. Les gens, parfois, avalent de grandes quantités de nourriture. Mais ce n’est pas réellement de la nourriture qu’ils veulent mais autre chose. La nourriture n’est qu’un substitut. Le désir névrotique est très souvent présent dans les relations personnelles, et en particulier dans les relations les plus intimes.

Dans quelques cas, il y est tellement présent que la relation ressemble à celle d’un esprit affamé essayant d’en dévorer un autre. On y renaît sous l’emprise de l’avarice. On parle aussi de monde des fantômes affamés. Il consiste à percevoir le monde comme empli de richesses inaccessibles. Nous ressentons alors un désir ou une faim insatiables qui ne peuvent jamais être comblés, si bien que nous nous sentons prisonniers d’un profond sentiment de pauvreté.

Le monde des enfers

Sixièmement, le monde des êtres tourmentés, des êtres en enfer où seule existe la souffrance : souffrance mentale aiguë, frustration nerveuse, dépression. De façon ultime c’est même l’état de folie. Cet état d’esprit peut, par exemple, être causé par une frustration longue et continue d’impulsions humaines, ou par un deuil soudain et inattendu, ou par des conflits mentaux inconscients. Le monde infernal conduit à considérer toute chose comme violente. On y renaît sous l’emprise de la colère, de la haine et de l’agressivité. Dans ce monde, on se sent perpétuellement victime d’agression ou habité d’une haine féroce, sans que nous arrivions à distinguer si la haine est nôtre ou si elle vient du monde.

Comment en sortir ?

Chacun risque d’entretenir ces six mondes dans lesquels il transmigre durant sa vie. On peut passer aux mondes supérieurs par la pratique des paramitas, les vertus transcendantes et couper par la pratique l’enchaînement de cette transmigration provenant des trois poisons (aversion, attachement, et l’ignorance).

Dans toutes choses il s’agit d’abandonner avec sagesse. Abandonner quoi ?

Certainement pas les autres. Abandonner dans le monde relatif est multiple : abandonner la construction permanente d’un Moi illusoire et auquel nous nous attachons, abandonner de voir toutes choses à travers notre Moi, arrêter de croire que notre Moi est une entité permanente, arrêter nos instincts égoïstes, possessifs, arrêtons de désirer nous protéger de tout y compris de la vie. En résumé il s’agit d’abandonner les six mondes du samsara, que nous créons nous-mêmes dans notre esprit par notre ignorance.

Suivant le concept d’impersonnalité ou de non-moi le sujet qui transmigre entre ces six destinées n’est pas une personne ou un soi, non plus une âme, mais un agrégat, la continuité phénoménale de cinq éléments changeants, les agrégats qui eux-mêmes sont dépourvus de nature propre. Comprendre avec finesse ces états, comprendre comment nous les construisons et comment nous pouvons nous en libérer offre une carte de l’esprit humain, une façon de comprendre et de libérer la psyché humaine.

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