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Les seize préceptes de Dogen

Zazen 1

Le bouddhisme mahayana accorde une très grande importance aux préceptes qui ne sont à négliger en aucun cas. Cependant comment les comprendre et les pratiquer sincèrement pour un bodhisattva qui forme le vœu premier de sauver tous les êtres, de connaître tous les phénomènes de la vie et de n’avoir pas peur de ses passions pour rester proches d’eux et ainsi ne pas les abandonner ? Dans la pratique mahayana et du zen les préceptes embrassent toute la Voie bouddhiste, prenant en grande considération les trois catégories de la moralité, du développement de l’esprit et de la sagesse.

Au cours de l’histoire ce qui fut les stricts préceptes monastiques au nombre de plusieurs centaines a beaucoup évolué. Les préceptes majeurs concernèrent également les laïcs, qui les reçurent, et non plus seulement les moines résidant dans des monastères soumis à l’ascétisme du Vinaya ou aux pures règles monastiques du Chan. Aujourd’hui ces préceptes sont remis sans distinction aussi bien aux moines qu’aux laïcs – les bodhisattvas – lors des ordinations. Ceci remonte à un moine japonais Tendai au début du 9ème siècle, nommé Saicho qui eut une importance fondamentale dans l’évolution du bouddhisme japonais. Dans le Bendowa Dogen affirme : « Suivre les préceptes et une conduite pure est la règle du zen et l’enseignement des Bouddhas et des Patriarches. » La Voie du Bouddha est de mener sa vie en accord avec les vœux du bodhisattva, et le respect des préceptes : les trois trésors, les trois purs préceptes et les dix préceptes majeurs. Cette nouvelle règle des seize préceptes fut introduite par Dogen qui conduisit ses ordinations en s’appuyant sur eux en toute indépendance sans l’approbation ni du gouvernement ni de celle des temples établis, et qui soutinrent de façon essentielle la fondation de ses nouveaux temples et de son école. La cérémonie de remise des préceptes, l’ordination, ainsi que le document de transmission l’accompagnant indiquent une relation directe avec Bouddha. Les préceptes sont donc une partie intégrante et fondamentale de la pratique du zen.

Dogen considère que le zazen est un plus grand atout que toutes les autres formes de pratique, incluant le fait de suivre les préceptes et que la Voie des Bouddhas ne pourrait se limiter uniquement aux préceptes de l’Hinayana. Il voyait en effet les préceptes non comme des prescriptions morales à prendre à la lettre, mais comme des entraînements à s’éveiller. Sa vue était que prendre les préceptes impliquait la Bouddhéité et que le zen et les préceptes étaient l’œil du véritable Dharma. Pour lui le plus important est de prendre les préceptes, c’est à dire la cérémonie d’ordination ou de Jukai, et que la question de suivre les préceptes à la lettre est de moindre importance. Néanmoins les préceptes sont donnés une seconde fois dans les cérémonies de transmission du Dharma, ce qui souligne encore leur importance. Ceci doit être vu dans l’optique mahayana de la vie d’un bodhisattva dédiée à sauver tous les êtres.

Dans son chapitre Jukai du Shobogenzo Dogen décrit la cérémonie de remise des préceptes et souligne les points importants suivants :

« Dans les cieux de l’Occident et dans les terres de l’Orient, où que la transmission ait été passée de patriarche à patriarche bouddhiste, au seuil de la porte d’entrée du Dharma se trouve inévitablement le fait de recevoir les préceptes. Sans recevoir les préceptes nous ne sommes jamais les disciples des bouddhas et nullement les descendants des maîtres ancestraux, car eux ont réalisé que s’éloigner des excès et se garder de la fausseté était équivalent à pratiquer zazen et pénétrer la vérité. Les mots «  les préceptes sont les plus importants » sont déjà le trésor du pur œil du Dharma lui-même. Réaliser l’état de bouddha et devenir un patriarche est inévitablement recevoir et de maintenir le trésor du pur œil du Dharma ; par conséquent les maîtres ancestraux qui reçoivent la transmission authentique du pur œil du Dharma reçoivent  inévitablement et maintiennent les préceptes bouddhistes. Il ne peut y avoir un patriarche bouddhiste qui ne reçoive pas et ne maintienne pas les préceptes bouddhistes. »

Il ajoute également :

« Recevoir les préceptes du bodhisattva, ceci est le seuil de l’entrée dans le Dharma est justement ce que les pratiquants devraient savoir. L’observance dans laquelle nous devrions recevoir les préceptes du bodhisattva est transmise authentiquement, dans chaque cas, par ceux qui ont longuement étudié en pratique dans le sein des patriarches bouddhistes ; ceci n’est pas réalisé par des gens négligents et paresseux. Au sein de cette observance, dans chaque cas, nous brûlons de l’encens et demandons de recevoir les préceptes du bodhisattva. »

Il s’agit donc des seize préceptes introduits comme règle nouvelle par Dogen, créant ainsi un rite d’ordination et de prise des préceptes indépendant et fondateur.

Zazen 2

Les trois trésors, appelés aussi les refuges, sont le Bouddha, le Dharma et la Sangha. Ils sont inclus dans l’ensemble des 16 préceptes et en sont même les premiers.

Dans l’ancien bouddhisme indien, le terme de refuge signifiait se réfugier dans un sanctuaire, dans un abri. Bouddha voulait à la fois dire le Bouddha historique ou l’Eveillé. Le Dharma signifiait l’enseignement du Bouddha tel les 4 vérités et le chemin octuple et la sangha était l’ensemble des moines et des nonnes qui pratiquaient avec le Bouddha et devint plus tard tout groupe de pratiquants bouddhistes.

Dès l’époque japonaise le sens prit une direction différente. Le mot refuge, kie, est fait de deux kanjis dont le premier signifie « se jeter dedans sans réserve » et le deuxième « compter sur ». Au total prendre refuge veut dire avoir suffisamment de foi sur laquelle nous pouvons compter pour se jeter sans réserve dans les trois trésors avec une dévotion totale. Nous nous inclinons, nous nous prosternons sans aucune réserve. Physiquement nous pouvons penser à gassho ou à sampaï. Prendre refuge peut être également rapproché de trouver sa source ou son origine : « Je trouve ma source spirituelle dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha. » La récitation des trois refuges, le Sankiraimon, précède la remise des préceptes, ils représentent donc la fondation sur laquelle les préceptes peuvent être reçus.

Le fait de Dogen d’inclure les trois trésors dans la série des 16 préceptes, ce qui fut une décision sans précédent, permet de voir les préceptes comme la réalisation de l’esprit de Bouddha et non tellement comme des guides de comportement, ni comme un code de conduite comme l’on dirait aujourd’hui. En ce sens les préceptes sont la pratique universelle de tous les bouddhas et les voir au sein du contexte des trois trésors est naturel.

Il ne s’agit pas de prendre refuge dans des abris extérieurs, comme dans la protection civile suisse. Ceci est abondamment décrit dans le Sutra de la Plateforme attribué au 6ème patriarche Eno. Plateforme veut dire ici la plateforme pour les ordinations, pour la prise des préceptes.

« Chers amis, vous devez tous recevoir les préceptes sans forme avec vos propres corps. Voyez les trois corps du Bouddha dans vous-mêmes. Je prends refuge dans ces trois corps dans mon propre corps physique. Prenez refuge dans le Bouddha, l’éveil, le plus honoré des hommes ; prenez refuge dans le Dharma, la vérité, la Loi, la doctrine la plus noble qui libère les êtres de leurs désirs ; prenez refuge dans la Sangha, la pureté, les êtres les plus honorés. Chers amis, je vous exhorte à prendre refuge dans les trois trésors de votre propre nature. Le Bouddha est l’éveil, le Dharma la vérité, et la sangha la pureté. Si dans vos propres esprits vous prenez refuge dans l’éveil, vous serez satisfaits avec vous-mêmes et épargné par les passions. Si dans vos propres esprits vous vous appuyez sur la vérité, vous serez libérés des attachements. Si dans vos propres esprits vous faites confiance à la pureté alors bien que toutes les passions et les fausses idées font partie de votre nature propre, celle-ci n’en sera pas tachée. Les sutras disent de prendre refuge dans le Bouddha à l’intérieur de vous-mêmes ; ils ne disent pas de compter sur d’autres Bouddhas. Si vous ne faites pas confiance à votre propre nature de Bouddha, alors il n’a rien d’autre sur quoi vous puissiez compter. »

Plus simplement on peut dire : puisque la sangha est formée de nos meilleurs amis de la Voie, nous avons confiance en elle et nous n’avons aucune hésitation à partager notre vie avec elle ; puisque le Bouddha est la source du dévoilement de la vérité et de l’éveil, de la compassion et de la réunion de tous les êtres, nous n’avons aucune hésitation à prendre refuge en lui ; puisque le Dharma, l’enseignement du Bouddha, la bonne loi, est celle qui régit également dynamiquement l’univers, nous avons toute confiance à nous y abandonner. Mais si vous ne voyez pas le Bouddha, le Dharma et la sangha en vous-mêmes, chez vous-mêmes, alors vous n’aurez rien sur quoi compter et votre esprit restera errant et sans point d’appui pour donner un sens véritable à votre vie, dans votre esprit.

Il y a un terme en anglais qui dit : « Total surrender », déposer totalement les armes. Arrêtez de combattre contre ce que vous n’aimez pas, de combattre contre la vie qui change tout le temps et abandonnez-vous à la paix et au bonheur de la confiance dans le Bouddha, le Dharma, et la sangha. Abandonnez-vous sans contrôle, dans une dévotion totale et continuez à agir dans votre vie, à prendre des décisions, des responsabilités, tout cela mais accompagnés par les certitudes intérieures que vous représentez, êtes en fait vous-mêmes Bouddha, le Dharma et la Sangha.

Zazen 3

Les trois préceptes purs : faire le bien, empêcher le mal d’apparaître et libérer tous les êtres. Le troisième rejoint donc les vœux du bodhisattva. Souvent on ajoute : et si le bien apparaît renforcez-le, et si le mal apparaît diminuez-le car il est illusoire de penser que jamais le mal ne peut apparaître aussi bien à l’intérieur de nous-mêmes qu’à l’extérieur. Ces préceptes sont d’une évidence criante et chacun peut les comprendre immédiatement, les pratiquer est vraiment une autre affaire, surtout tous les jours, à chaque occasion. Il est dit que même un vieillard n’arrive pas à les pratiquer alors même qu’un bébé peut les comprendre. Ceci n’empêche pas de les pratiquer chaque jour, comme un don sans but personnel, sans se préoccuper de savoir si on y arrive vraiment ou pas. Le chemin est lui-même la Voie.

Dans le Vinaya le premier précepte pur est de couper le mal, ensuite de faire le bien et de purifier son esprit. Cet ordre est assez juste car si le mal n’est pas coupé il est difficile pour le bien d’apparaître. On peut dire aussi : je fais le vœu de ne créer aucun mal ou je fais le vœu de m’abstenir de toute action qui crée des attachements et de m’abstenir de toute ignorance. Faire le bien est aussi de faire le vœu de m’efforcer de mener une vie éveillée et de vérité.

Pour le troisième vœu il est dit dans le Nirmanakaya : « Après avoir réalisé le désintéressement à son propre ego par la pratique du premier précepte pur, et étant transporté d’une joie et d’un enthousiasme immense par celle du deuxième précepte pur, votre corps et votre esprit sont souples et réceptifs, prêts à être transformés en ce qui est nécessaire pour le bien de tous les êtres. Cette transformation est la réalisation du troisième précepte pur du bodhisattva. Etre absorbé dans le bienfait de la libération de soi déborde en nourrissant tous les êtres et en les aidant à mûrir. »

D’un côté le bodhisattva fait des efforts sincères et constants pour se rapprocher du bien et éviter le mal, aussi bien dans ses actions que dans ses pensées, mais en même temps il change son esprit par sa pratique de zazen et ses bonnes actions de façon à ce que les préceptes purs lui deviennent naturels. On ne peut réellement se forcer à quoi que ce soit dans le long terme ; s’il ne fait que se dompter lui-même en s’obligeant à faire le bien cela ne fonctionnera pas. Il ne s’agit pas de cela mais de trouver la joie dans le bien et dans l’évitement du mal de façon à ce que cette joie transparaisse et rende également heureuses toutes les personnes aux alentours. A ce moment débordent de lui la joie et la compassion et tout le monde en bénéficie.

Ceci est également proclamé dans le psaume 23 de David : « Ma coupe déborde, oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie, et j’habiterai dans la maison de l’Eternel – de l’éternel Bouddha vivant – jusqu’à la fin de ma vie. » En paraphrasant ce psaume on dirait alors : « Les préceptes purs sont mon berger ; je ne manquerai de rien. Ils me font reposer dans de verts pâturages et me dirigent près des eaux paisibles. Ils restaurent mon âme et me conduisent dans les sentiers de la justice. Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal car ils sont avec moi et me rassurent. »

Sauver tous les êtres n’est pas une injonction, une obligation de résultat à laquelle le bodhisattva serait soumis, mais une éthique de vie naturelle à laquelle le conduit sa pratique soutenue, ses bonnes actions et l’ouverture de son esprit. Pendant des années et encore maintenant le vœu de sauver tous les êtres fut encore pour moi un koan. S’agit-il d’êtres réels ? Oui certainement car sinon cela ne veut rien dire. Mais alors ils sont innombrables et cela prendra des kalpas. Les êtres sont aussi des formes, réelles, du Dharma, unifiées dans l’humanité. En ce sens en sauver ceux qu’on peut entraîne toute l’humanité. A mon avis il faut voir les choses simplement, c’est à dire aider tous ceux qu’il nous est possible d’aider, sans distinction et avec dévouement.

Il est dit aussi dans le zen que le bien et le mal s’interpénètrent. Oui, mais sur le chemin du bien le mal n’existe pas, il faut donc chaque jour prendre son bâton de pèlerin, aussi fragile soit-il, et avec détermination, aussi fluctuante puisse-t-elle être, s’engager encore et encore sur le sentier à la fois caillouteux et lumineux du bien. Chacun comprend pour lui-même ce qui est bien et ce qui est mal dans ses actions, il faut donc suivre ce que nous enseigne notre pratique de compassion et ne pas se décourager. Dans cette Voie, le bodhisattva ne s’arrête pas à ses états de pensée, ses hésitations et ses doutes, mais il va de l’avant dans les phénomènes, conscient du fait qu’il agit pour les autres en premier lieu et que lui-même n’est pas si important car il est ouvert et dédié à l’action du Dharma qui le transperce et le porte.

Comme le dit Vimalakirti à Mahakashypa : « Si avec cette simple boulette de nourriture tu peux nourrir tous les êtres, alors à la fin tu pourras manger toi-même. »

Zazen 4

Avec les dix préceptes majeurs – les dix kai – nous entrons plus dans le domaine des pratiques de bonne éthique. Dans le Vinaya les moines devaient suivre 227 préceptes et les nonnes 348. Dix sont restés, raison pour laquelle ils sont appelés majeurs, et sont à traiter avec respect. Ce sont moins des commandements que des incitations à mener une vie juste. Dogen attribue une valeur essentielle dans le fait de recevoir les préceptes au cours de la cérémonie de jukai ou d’ordination. « Nous devons recevoir les préceptes ; c’est la porte d’entrée du Dharma. »

Le premier est de ne pas tuer d’êtres vivants, de ne pas délibérément prendre des vies, mais au contraire de cultiver et d’encourager la vie, de vivre en harmonie avec toute vie et avec l’environnement qui la maintient. C’est un principe premier qui garantirait s’il était pratiqué la survie de notre humanité au sein de notre planète. Ce précepte va beaucoup plus loin que de ne pas assassiner quelqu’un mais englobe toute notre attitude par rapport à la vie, à la nature, à la terre entière.

Le deuxième est de ne pas voler. Un pratiquant de la Voie, dit Katagiri, ne prend pas ce qui n’est pas donné librement, en accord avec le sens de ce précepte en sanskrit. Ce précepte qui est de ne pas prendre ce qui n’est pas donné a de multiples implications dans les relations humaines, homme-femme par exemple, ou ne pas prendre de la terre plus que ce qui nous est donné pour vivre, respecter chacun dans son intégrité. Ne pas avoir l’esprit du voleur.

Le troisième est de ne pas s’engager dans de mauvaises conduites sexuelles ou sensuelles, c’est à dire traiter tous les êtres avec respect et dignité et non se servir d’autres êtres humains comme objets. Parmi les pires violations de ce précepte, j’ai lu dans La Semana que 85% des femmes dans les colonnes de migrants en Amérique du Sud et Centrale sont systématiquement violées. Le viol, la traite d’êtres humains, les bas-fonds de la prostitution sont des violations extrêmes de ce précepte mais toute utilisation non consentie de qui que ce soit en est également une.

Le quatrième est de ne pas mentir. Ce précepte doit-il être suivi de façon absolue, en toute occasion ? Seule la vérité, la réalité, doit-elle être exprimée ? On dit par exemple : le soleil se lève, mais ce n’est pas la réalité, celle-ci est que la terre tourne autour d’elle-même. J’imagine qu’il vaut mieux mentir pour sauver quelqu’un que le jeter aux lions. On voit bien avec ce précepte l’importance de le lier aux trois trésors et aux trois préceptes purs de façon à pouvoir avoir la marge de liberté d’exercer son propre discernement. Ne pas mentir ni à soi-même ni sur soi-même, mais faire face à sa propre vérité et ne pas avoir d’intention de l’enjoliver est s’abstenir de fausses paroles et pratiquer la parole juste.

Le cinquième consiste à ne pas être sous l’emprise de l’alcool ou de drogues, ce qui veut également dire respecter son propre corps et son propre esprit et le garder clair. Il y a plusieurs façons de s’intoxiquer en dehors des substances et de perdre son esprit, par exemple suivre un gourou autoproclamé ou entretenir le démon du jeu. Originellement ce précepte interdit aux moines tout alcool, prohibition totale. Aujourd’hui modération, l’important étant de ne pas tomber dans la dépendance, mais valoriser sa liberté d’esprit nécessaire à une bonne pratique et une vie responsable.

Le sixième : ne pas exposer ni commenter les fautes d’autrui. Katagiri dit : un pratiquant de la Voie ne calomnie pas les autres. Dans un dojo il n’y a ni faute, ni calomnie, seulement un enseignement. C’est à dire que chacun doit prendre ce qui se passe comme un enseignement et ne pas se braquer sur ses propres idées. En dehors se garder de fausses interprétations ou de rumeurs, ne pas juger, ni critiquer de façon personnelle, est une bonne loi, garder le silence aussi. Cela demande une longue pratique car se contrôler dans l’instant n’est pas si évident. C’est un bon précepte.

Le septième est : ne pas se vanter ni abaisser autrui. Ce précepte est limpide.

Le huitième : ne pas rechigner aux dons matériels et spirituels, que l’on traduit généralement pas ne pas être avare, c’est à dire ne pas vouloir garder pour soi ce qui peut être donné à chacun y compris de l’attention, car comme le dit Katagiri : « Un pratiquant de la Voie ne possède rien de façon égoïste. » Il s’agit de comprendre vraiment que rien ne nous appartient réellement bien que nous croyons posséder les choses que nous considérons comme les nôtres. Je prends souvent le tram 12 qui traverse Genève et à chaque voyage montent dans le tram deux accordéonistes roumains, une mendiante, à Bogota ce sont les migrants du Venezuela devant les magasins, dans la rue, des femmes avec leurs petits enfants dans les bras. Ils ne possèdent rien. Ce précepte particulièrement nous interpelle à chaque instant.

Le neuvième précepte consiste à ne pas se mettre en colère. Nous ne sommes ni des saints ni des pervers, pourtant des fois la colère monte d’elle-même. Que faire en cas d’injustice, de médisances mensongères, de rumeurs injustifiées, de mépris ou de toute autre attaque qui nous atteint vraiment et génère un désir incontrôlable d’agir ? Comment expliquer aux mineurs grévistes des années de plomb de ne pas se mettre en colère ? Ne pas se mettre en colère pour rien, mais il est très difficile de faire face à l’injustice. Ce précepte est un koan.

Le dernier est de ne pas blasphémer les trois trésors. Si vous faites cela vous tuez en vous-même tout ce qui est votre soutien, la base de votre confiance et de votre foi, vous jetez aux orties le coeur de la Voie des Bouddhas. Si vous violez ce précepte alors que vous reste-t-il comme bodhisattva ? Vraiment pas grand chose. J’ai vu dans mes longues années de zen des pratiquants qui ont émis, voire même écrit, des critiques personnelles  contre la sangha : ils ont pour la plupart quitté la pratique bouddhiste.

Les préceptes sont la bonne loi de notre conduite et de notre vie, pour nous-mêmes et pour les autres autour de nous. Chacun doit faire de son mieux pour vivre en les gardant dans son esprit, en les protégeant et en les pratiquant avec sagesse, sans nullement oublier la compassion de chacun, et le discernement dans l’action. Ils sont les amis de notre liberté car ils protègent notre pureté d’esprit et notre ouverture sans retenues internes au monde.

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