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La pratique religieuse n’a pas de fin.

L’autre jour je relisais le livre paru en 2020 sur Kodo Sawaki: “Découvrir son véritable soi-même.” 1) Le livre est en anglais. Je suis tombé sur une phrase qui m’a vraiment touché car elle englobe de façon fusionnée tout ce que nous pouvons inconsciemment assimiler à propos de mushotoku, de notre pratique au sein de notre vie que nous savons être limitée tout en étant dans l’instant éternelle, et de notre désir spirituel le plus sincère.

Il dit : « Nous devons réaliser qu’il n’y a aucune fin à la pratique religieuse. »

Cette phrase me rappelle ce qu’avait dit Etienne Mokusho Zeisler vers la fin d’un zazen particulièrement long : « Vous devez prendre une posture qui dure éternellement. » Pour lui la pratique religieuse se trouvait essentiellement dans la pratique de zazen et surtout dans sa posture, aussi insistait-il de façon répétitive sur la posture du corps-esprit.

Si en zazen et dans la journée aussi, vous pénétrez profondément dans une compréhension intime de votre vie de pratique, en oubliant un peu vous-même, c’est à dire en voyant en silence à l’intérieur de vous à la fois la pratique religieuse et ce que vous êtes maintenant, vous pouvez alors ressentir l’immensité de la confiance procurée par ces mots, comme un mantra, et y prendre un refuge tranquille, éternel. Le calme s’établit de lui-même et vous savez que vous cheminez sur une voie qui n’a ni départ, ni arrivée. Inutile alors de se soucier d’acquérir quoi que ce soit, d’attendre quoi que ce soit, de manquer un but quelconque, vous pouvez simplement continuer à cheminer en vous laissant aller, rien à attendre, nous y sommes, à chaque pas nous y sommes. Comme il est dit dans le Mokushoka de Maître Wanshi, qui l’exprime de façon poétique :

« Lorsque dans le silence tout mot est oublié,

Cela apparaît devant vous avec netteté.

Lorsque vous le réalisez, le temps n’a plus de limites

Et c’est le moment où votre milieu vient à la vie.

            …

Lorsque l’illumination silencieuse est parfaite

Le lotus fleurira,

Le rêveur s’éveillera,

Les rivières couleront jusqu’à l’océan

Les mille montagnes verront le pic élevé.

            …

Lorsque la lumière silencieuse

Touche le point ultime,

Je perpétue la tradition originelle de mon école. »

Beaucoup de gens commencent la pratique de zazen sincèrement, même avec enthousiasme, poussés par de multiples conditions alliant un désir réel de dévotion aux circonstances de leur vie. Certains même demandent l’ordination loyalement, persuadés qu’ils comprennent leur engagement. Ne nous illusionnons pas de sainteté, chacun de nous au début a cherché quelque chose, une identification, une tranquillité, un engagement fortifiant, que sais-je, chacun a eu une motivation réelle, spirituelle ou identitaire. Etienne disait : « S’il ne vous manquait pas quelque chose vous ne seriez pas venu à la pratique. » Et certains aussi repartent lorsque leur situation change, que leur motivation diminue, mangée par les phénomènes de la vie, comme des feux-follets qu’on ne voit plus au lever du jour. C’est comme ça.

Chercher une réponse à la question : pourquoi continuer ? C’est la mauvaise question, on ne continue pas pour une raison particulière mais parce qu’au fond de nous nous savons parfaitement que la pratique religieuse ne peut pas avoir de fin. Alors on continue avec sérénité, avec plaisir, joie et enthousiasme selon les jours, avec des difficultés d’autres jours, mais tout cela n’arrête pas le flot de la pratique éternelle dans notre esprit, notre corps, notre respiration, même notre sang qui coule dans nos veines, comme les fleuves rejoignent l’océan infini dont l’eau douce ne connaît pas encore l’eau de la mer ni son horizon infini. De même ne connaissons-nous pas l’absolu de l’essence des choses, la vacuité, mais nous cheminons. Chaque pas, à chaque instant, est le chemin, le seul chemin, celui qui est sous nos pieds. Le voyage de toutes façons est la meilleure partie, quand on arrive c’est fini. Or notre pratique ne finit pas tant que nous sommes vivants. Pour nous c’est alors une pratique éternelle.

Cela évidemment au milieu des phénomènes, alors qu’ils soient les bienvenus au sein de notre pratique, tirons-en pour nous-mêmes un enseignement chaque jour. C’est tout l’intérêt des phénomènes quand ils sont vus au sein d’une vie de pratique spirituelle à la place de se laisser emmener ou submerger par eux.

Comprenez entièrement, digérez totalement, avec tout votre être que la pratique religieuse n’a pas de fin et vous trouverez sans efforts le bonheur.

1)  Kodo Sawaki : « Discovering the true self », Translated, Edited, and with an Introduction by Arthur Braverman, Ed. Counterpoint, Berkeley, California, 2020. ISBN 978-1-64009-377-5

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