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La corde, le rat, le tigre et l’araignée

Zazen 1

Dans le dernier livre paru sur Kodo Sawaki il dit:

Lorsque nous sommes en bonne santé, nous oublions nos corps. Quand nos jambes sont fortes, nous marchons et courons et ne pensons pas à elles. Ces jours je pense à mes jambes parce qu’elles sont faibles… Nous nous sentons généralement concernés lorsque les choses nous créent des problèmes. Autrement nous n’y pensons jamais. »

Il ajoute également :

« Ce n’est pas une bonne chose de continuer comme nous l’avons fait jusqu’à présent. Nous devons nous renouveler cette année. Nous devons nous renouveler chaque mois. Nous devons nous renouveler chaque jour. Bien que nous pensions que nous vivons comme des êtres individuels, la vie nous est donnée par notre Mère Nature. Tous les mondes dans les dix directions sont le corps réel du Dharma.»

Ainsi lorsque le corps réel du Dharma est touché nous le sommes aussi. Et lorsque le monde est en guerre alors nous pensons à la paix, alors que chaque jour nous devons penser à ne pas créer ni causes, ni conditions qui le mettent en danger. Pour cela nous devons faire notre possible pour nous renouveler, pour nous transformer, et comprendre réellement ce que nous sommes, et qui nous sommes.

Une fois un maître interrogea son élève en lui proposant une histoire en forme de koan : un homme est suspendu à un arbre par une corde. Au-dessous de lui un tigre affamé attend qu’il tombe pour le dévorer. De plus un rat est en train de ronger la corde qui va bientôt céder. Sur celle-ci une araignée venimeuse mortelle descend petit à petit vers lui. Que doit-il faire ? demande le maître. L’élève réfléchit et dit : « Je voudrais bien savoir comment cet homme s’est retrouvé dans une telle situation. »

Dans ce monde dominé par l’ignorance, nous pouvons toujours affirmer dans nos pensées, nos actions, une attitude d’éveil. On ne peut convaincre qui que ce soit mais il est possible de faire rayonner la sagesse et la compassion. Pour cela chaque jour nous devons nous renouveler dans ce sens, et bien que les vœux du bodhisattva soient absolus nous pouvons nous en rapprocher avec confiance, soutenus par notre pratique et notre grand désir de voir un jour la paix dominer notre planète. Continuer encore et encore la grande assise des Bouddhas, modestement et avec conviction et décision. Un jour alors, un kalpa ou plusieurs peut-être, pourrons nous dire avec Ryokan : « Je suis un moine paisible dans une époque de paix. »

Zazen 2

Kodo Sawaki dit également :

« Beaucoup disent que si vous pratiquez zazen vous deviendrez généreux et serez capable d’exprimer physiquement vos sentiments. C’est ridicule. Zazen est plutôt comme danser sur la glace, comme traverser votre vie en tremblant face aux dangers. C’est ce qui se passe lorsque vous pratiquez. »

Nous avons tous des fois des illusions que nous pourrions échapper aux phénomènes inhérents à notre existence. Mais nul ne peut s’y soustraire, les causes et conditions sont multiples et très vite nous pouvons nous retrouver comme l’homme suspendu à l’arbre. C’est alors trop tard peut-être. Il vaut mieux ne pas passer un seul jour où par inattention ou ignorance nous nous rapprocherions du rat, du tigre ou de l’araignée. Chaque jour demande attention. Au contraire chaque jour éveillons-nous à nouveau. L’esprit de la Voie nous a été transmis, nous avons la chance de connaître l’enseignement du Bouddha-Dharma. C’est à nous à le suivre et à le pratiquer, nous sommes entièrement responsables de cela.

Au temps de Ryokan les nouvelles arrivaient avec des mois de retard. Aujourd’hui nous sommes en direct sur tout, la pandémie, la guerre, les réfugiés si nombreux, démunis et désespérés, les incompréhensibilités du néo-capitalisme, et l’angoisse de l’existence augmente comme le rat qui ronge la corde et le tigre qui attend de s’élancer. Notre pratique spirituelle nous rend de plus en plus conscients, nos yeux sont de plus en plus ouverts.

Le véritable koan est celui de notre vie, qu’en faisons-nous face à tout cela ? Nous connaissons également un monde où notre esprit est tranquille, nous qui avons la chance d’avoir nos besoins vitaux satisfaits. Agissons alors aussi dans notre vie de tous les jours avec cet esprit de paix, de sagesse et de compassion. Pratiquer une vie éveillée, libre, ouverte aux autres, avec amour et bienveillance est semblable à jeter un petit caillou de bien dans la vaste étendue du monde. Aussi petites soient-elles les vaguelettes que nous pouvons créer finiront toujours par arriver au rivage.

Faisons le mieux que nous pouvons dans l’esprit qu’un jour les fleurs, même si elles se fanent, seront beaucoup plus nombreuses que les mauvaises herbes même si celles-ci continueront à croître.

« I had a dream », a dit Martin Luther King. Continuer toujours, cultiver toujours en nous-mêmes d’abord, une pratique, des pratiques de paix pour illuminer comme nous pouvons l’ignorance de ce monde et la notre. Une petite bougie peut éclairer une pièce entière, un phare toute la mer, le soleil notre système, nous comme êtres humains éclairons l’esprit.

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