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JU NI JI HO GO de Maître Wanshi (Commentaires d’Etienne Mokusho Zeisler)

Zazen 1

Un jour Unmon se rendait dans le dojo lorsqu’il entendit la cloche ; alors il s’écria : « Dans un monde si vaste, si vaste, pourquoi revêtons-nous nos robes de moines quand la cloche sonne ainsi ? »

C’est un koan. Au commencement de cette sesshin de dix jours, chacun peut ressentir intimement que cette pratique s’inscrit dans un monde si vaste, dans lequel nous avons revêtu nos robes de moines au son du bois qui résonne dans la vallée. Les montagnes elles-mêmes nous le renvoient. Etienne dit : « Le zen est la Voie, le chemin qui mène à la réalité de la vie. »

Cette année est l’année des vingt-cinq ans de la mort d’Etienne. Juste après Raphaël Triet a écrit un texte pour le bulletin zen où il dit à propos d’une conversation qu’il avait eu avec Etienne :
« Nous avions eu une conversation à propos des rapports de maître à disciple. Je lui disais mon étonnement de voir certaines personnes avoir ce même amour envers lui que celui que nous avions pour Sensei, et combien ces gens avaient de la chance. Il me répondit : « Oui, ils en ont de la chance. » Sur quoi repose cette chance ? Sensei disait : « Je ne suis pas parfait mais ma plus haute dimension, celle que vous devez suivre, c’est lorsque je suis dans le dojo. » C’est à dire lorsque le nom de chacun est oublié. Lorsque plus personne n’est désigné, c’est cela la véritable chance et c’est cette personne-là qu’il faut continuer de suivre. Lorsque les noms des patriarches sont lus dans le dojo le matin, c’est sans tristesse. Leur pratique s’actualise chaque jour dans ce monde ci. Pour l’enseignement et la pratique d’Etienne, c’est identique : ils ne sont pas séparés de la vie ici et maintenant. La vie, même courte, d’Etienne est ici et maintenant éternelle. Et d’instant en instant chacun, ami ou disciple, réalise cette éternité. »
Cette sesshin lui rend hommage et j’espère qu’il serait content de nous voir réunis dans la tradition originelle de notre école. C’est aussi pourquoi au son du bois, dans ce monde si vaste, nous avons revêtu nos robes de moines. Ici et maintenant tous les patriarches et Etienne sont actualisés dans ce dojo éphémère habité de notre foi et de notre détermination, avec les montagnes, la vallée, les vaches et les champs. Ce coin de Gruyère n’est point séparé du monde si vaste, au contraire il est au centre de notre espace-temps, en plein dans le dharma.

Zazen 2

Dans le chapitre Bendowa, Dogen dit la chose suivante :
« Ceux qui pensent que les affaires du monde de tous les jours gênent le dharma du Bouddha savent seulement que le dharma du Bouddha ne se situe pas dans le monde ; ils ne savent pas que dans l’état de Bouddha aucun dharma n’est mondain. » Ce qui veut dire que dans la dimension religieuse, tout est religieux. Et dans la dimension purement matérielle, tout est essentiellement matériel. Ainsi beaucoup de gens souffrent dans leur vie quotidienne, qui des fois leur paraît vide, sans dimension, sens aucun sens réel et satisfaisant, comme si tout se passait comme un film à la télévision. Souvent quand ils cherchent à être véritablement présents, alors ils tiennent leur téléphone intelligent connecté, toujours connecté, à la main, écouteurs aux oreilles pour surtout ne pas manquer cet instant où quelqu’un pourrait s’intéresser à eux. Une vie matérielle à la recherche de quelques moments insolites, qui les ferait vivre l’espace d’un instant.

Lors d’une journée de zazen au Dojo de Genève le 5 octobre 1986, j’étais tout débutant, juste quelques mois de zazen et une session à La Gendronnière, Etienne parla de la vie quotidienne.

« Comment faire pour que la vie entière devienne religieuse, vérité, heureuse, profonde et libre ? Je ne peux pas répondre à cette question, je ne peux pas solutionner ce problème.

Maître Daichi a dit une fois : Maître Daichi a dit une fois : « La vie quotidienne est plus importante que zazen. » Vous pratiquez une heure par jour, vous faites une journée de zazen – le reste du temps, comment faire ? Comment faire pour que dans votre vie quotidienne, les phénomènes deviennent la Voie, ne soient pas séparés de zazen. D’autant plus que dans notre vie on ne choisit pas, on ne décide pas les phénomènes ; par exemple quand on travaille dans une compagnie, on ne peut pas faire ce que l’on veut ; il y a un chef, une heure pour partir, une heure pour manger ; à la maison non plus on ne décide pas, on est influencé par sa famille, par sa femme, par son mari, chacun peut comprendre à partir de sa propre vie ce que je dis là. De la même façon, on ne décide ni de la naissance, ni de la mort.

Aussi, les gens souffrent de cette contradiction. Même si l’on écoute des conférences, sur la psychologie, la philosophie, la religion, cela ne touche pas notre vie réelle. Ce point concerne notre vie.

Maître Kodo Sawaki disait : « Vivez la vie qui soit et qui remplit tout l’univers. » Cela ne veut pas dire grossir, enfler, prendre la place de l’univers, mais au contraire reconnaître l’univers dans notre vie quotidienne. « Rencontrer la dimension la plus entière avec notre corps tout entier », dit le Tenzo Kyokun. »

Maintenant c’est zazen. Etienne continue : « Zazen, c’est seulement maintenant. Maintenant ne courez pas après quoi que ce soit et ne fuyez pas. Pour le futur, il y a le calcul, les plans, pour le passé, le regret, mais ici et maintenant, il n’y a qu’un seul comportement possible : accepter tout ce qui vous arrive. Un jour, un moine – Manjusri – faisait la cuisine. Au-dessus de la casserole il vit apparaître un bodhisattva. Sans abandonner son travail, il frappa le bodhisattva et il dit : « Même si le Bouddha était apparu en personne, je l’aurais frappé de la même manière. » Cet esprit est libre, il n’est remué par aucun phénomène, rien ne peut le bouger, ni Bouddha, ni le démon, c’est l’esprit de la pratique pure. Que ce soit le dojo, la vie quotidienne, qu’on soit réveillé, que l’on dorme, cet esprit est toujours stable, comme votre posture de zazen. »

L’esprit libre, dans le dojo et tous les jours, l’esprit stable, comme votre corps et votre esprit en zazen est la pratique continue, la vie religieuse. Nul besoin de croire en des tas de choses. Ainsi votre vie ne sera pas séparée de tous les phénomènes qui ne manqueront pas de vous arriver et sera unité dans toutes circonstances.

Zazen 3

Cette sesshin d’été est consacrée à Etienne, Mokusho Senku, aussi je continue son enseignement :
« Lorsque Bouddha faisait zazen sous l’arbre de la bodhi, un matin, il a regardé le ciel, il a vu l’étoile du matin. A ce moment-là, son corps et son esprit ont été complètement bouleversés, et il a dit : « J’ai atteint la dimension la plus élevée, la montagne, l’univers tout entier. » Ainsi notre vie n’est pas séparée des phénomènes, elle est unité avec toutes les circonstances.

Maître Dogen écrit : « Cette vie est pareille aux rivières innombrables qui roulent vers l’océan, qui deviennent le goût unique de l’océan. »

Lorsque notre vie devient unité avec cet océan de dharma, les catégories ne sont plus nécessaires. Comment faire … au paradis, répulsion, bonheur, malheur, nourriture de basse, de haute catégorie, il n’en reste qu’un seul goût, le goût et le dharma de Bouddha. En d’autres termes, acceptez le monde tel qu’il est. »

Souvent le problème c’est la séparation d’avec le monde qui nous entoure, comme si nous étions déconnectés. Peut-être est-ce pourquoi les gens sont soudés à leur téléphone portable, parce qu’ils sont déconnectés, seuls, emmurés dans leur routine. Tout à coup un message, quelque chose de nouveau sur Facebook, peut-être même un appel, et toc ils se connectent, le monde extérieur reconnaît qu’ils sont vivants. Ils y sont attachés comme un prisonnier qui attend le moment de sortir de sa cellule. C’est terrible le monde de l’attente, de la solitude, de l’espoir que quelque chose arrive et finalement à la fin quelque chose arrive, il faut mourir, c’est fini, le téléphone ne signifie alors plus rien.

Etienne dit : acceptez le monde tel qu’il est. Ne construisez pas un monde au-delà du monde tel qu’il est, une vie au-delà de celle que vous avez maintenant. Bien sûr il faut agir, décider, ne pas avoir peur de sauter dans les phénomènes, faire face à la victoire et à la défaite, améliorer son karma, faire des efforts et tendre vers une haute dimension humaine, pas un bas de gamme pathétique, mais tout cela aussi en acceptant le monde tel qu’il est et non comme vous voulez le voir. Agissez dans le monde réel, et non dans celui de vos illusions.

Lorsque nous sommes en unité avec le monde réel, c’est le goût du dharma. Bouddha a vu l’étoile matin, il a regardé le ciel, il fut en contact direct avec l’univers, rien ne l’en séparait dans l’instant, automatiquement il a accepté le monde tel qu’il est car rien ne l’en séparait. Le monde, ou le dharma si vous voulez a fait irruption dans son être, il n’a pas réfléchi à l’éveil, à l’illumination ou à quoi que ce soit mais tout son esprit ouvert fut connecté avec le monde directement et non à travers l’écran de son portable.

Dogen dit : « Cette vie est pareille aux rivières qui rejoignent l’océan. » Il ne dit pas que notre vie est celle de quelqu’un qui regarde les rivières couler à l’océan, mais notre vie est les rivières, nous sommes les rivières, au milieu de l’eau, l’impermanence directe. Ainsi nous sommes également la pratique et la vie religieuse, nous sommes dedans, c’est le monde tel qu’il est, non pas le monde que nous regarderions à travers des jumelles, ou une rivière que nous contemplerons assis sur le bord du courant.

Il suffit de vivre les choses telles qu’elles sont et non pas de façon artificielle. Même chose pour la pratique de zazen : notre pratique doit être réelle et non pas artificielle. Alors revenez sans cesse à votre posture de zazen, prenez soin de votre respiration, et ne retenez pas vos pensées.

Zazen 4

Peut-être que quand les gens entendent les mots : le goût unique du dharma, pensent-ils : c’est fade, je préfère la vie épicée. Ou lorsqu’il est parlé de la plus grande dimension religieuse, ils s’imaginent quelque chose d’extraordinaire, une extase permanente, sans renversement de situations. Même un ermite paisible dans sa forêt peut se planter une épine dans le pied et même un monastère tranquille peut générer des phénomènes incontrôlables. Chaque chose est le goût unique du dharma, des fois épicé, des fois fade. La couleur de l’océan n’est jamais toujours la même et l’eau de la rivière change constamment. « Un plat n’est pas supérieur s’il est fait avec des ingrédients raffinés, pas plus qu’inférieur s’il est fait avec des mets ordinaires », dit Dogen dans le Tenzo Kyokun, qu’Etienne a longuement commenté. Accepter est une bonne loi.

En cela aussi il s’agit de rencontrer la dimension la plus entière avec notre corps tout entier. Mais attention cela ne veut pas dire prendre la place de l’univers, ce qui ne serait qu’une inflation du moi, une inflation de l’ego, comme la grenouille qui voulait devenir un bœuf, mais de reconnaître l’univers entier dans tous les instants de notre vie quotidienne, se retrouver dans la dimension humaine la plus élevée. Tout cela n’est pas seulement à comprendre mais à vivre, c’est une expérience, c’est l’expérience que nous pouvons faire à fond de notre vie. Dans la rivière, pas sur le bord.

Par exemple beaucoup ne comprennent pas la dimension de la commémoration du 25ème anniversaire de la mort d’Etienne. Ils pensent : bon c’était il y a 25 ans, et puis je ne le connais pas, cela ne me concerne guère, c’est des trucs d’Yvon et de Vincent, de la mémoire ancienne, moi je m’intéresse à ce qui se passe aujourd’hui. Et bien justement : la commémoration du 25ème anniversaire de la mort d’Etienne Mokusho Zeisler est l’affirmation qu’ici et maintenant son esprit et son enseignement sont vivants. La pratique de la mémoire de notre école s’inscrit dans le temps d’aujourd’hui, il s’agit donc d’un événement vivant et non pas juste d’un éphémère souvenir d’une date du passé. La non-naissance et la non-mort sont pour toujours la dimension éternelle des Bouddhas et des Patriarches, ainsi que des êtres aimés. Cela est au-delà et bien vivant dans nos coeurs, chaque année, chaque jour. Cela fait partie de la dimension la plus élevée.

Bon mais alors c’est quoi la dimension la plus élevée ? Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est assez marrant car en fait tout le monde est capable de comprendre intuitivement ce qu’est la dimension la plus basse, mai plus difficilement ce qu’est la dimension la plus élevée. Etienne a insisté sur la dimension élevée, le mot dai, grand, daishin, l’esprit grand.

Dogen et Etienne en parlent.
Dogen : « Daishin est comme une montagne, tolérant, stable, et impartial. A l’exemple de l’océan, daishin voit chaque chose dans la dimension la plus élevée. Posséder daishin veut dire être sans préjugé et refuser tout extrême. »
Commentaires d’Etienne : « Quand on pratique zazen, notre esprit devient frais, neuf. C’est comme respirer un air pur après avoir respiré un air souillé de puis des centaines d’années. Zazen arrête toutes les fabrications, toutes les relations. Zazen n’a pas besoin de nos catégories, de notre ego. Zazen lui-même est daishin. Daishin doit concerner notre esprit le plus profond quoi qu’il arrive dans notre vie. C’est d’arrêter d’imiter, de singer, c’est pratiquer, comprendre le monde de nos illusions. Comprendre par notre corps, non pas par notre cerveau. Notre vie elle-même a à ce moment-là la valeur la plus élevée. »
Quand vous êtes en face de l’océan, regardez l’océan, même chose avec votre vie.

Zazen 5

Etienne a dit :
« Pratiquez pour zazen. On n’a pas besoin de notre ego. On peut pratiquer de cette manière sans avoir un ego. Le moi, l’ego, conduit par zazen, c’est l’histoire la plus précieuse que l’on puisse vivre dans une vie.

Si vous oubliez votre ego, vous pouvez tout oublier. Restez assis à l’endroit de votre visage originel. La vérité est immense, sèche, abrupte comme votre dos. Se rapprocher de cette vérité, c’est abandonner le corps et l’esprit, c’est se dénuder complètement. On n’aime pas être nus, on voit les défauts. Pendant zazen, vous pouvez vous voir vous-même. Ce corps et cet esprit nus deviennent unité avec Bouddha. Toujours cet esprit immense, c’est la sesshin. »

Comprendre et pratiquer ici et maintenant, c’est l’essence du JU NI JI HO GO, de maître Daïchi : douze heures d’un seul jour de pratique. A l’époque de Daïchi la journée était divisée en douze heures, aujourd’hui c’est 24 heures. Dans une sesshin Etienne a commenté ce texte. Ce fut au mois de décembre pendant je pense la Rohatsu sesshin, mais aucune année n’est inscrite sur le texte. Cela n’a pas d’importance, ce qui en a est que vous allez pouvoir entendre son enseignement maintenant.

« Le vrai satori, ce n’est pas quelque chose que les hommes veulent recevoir. Recevoir un héritage, cela se comprend facilement et aussi on comprend ce qu’est aller au paradis. Et prier et gagner à la loterie. Faire zazen et avoir le satori, cela se comprend aussi. Ce sont les choses que les hommes veulent, celles qui leur plaisent. Ce sont ces choses-là qui les rendent contents et celles dont ils sont reconnaissants.

Pourquoi faire zazen ? Pour rien, ce n’est pas cher. Rien de spécial. C’est remercier. Ainsi donc, la Voie de Bouddha existe facilement, naturellement. Remercier pour la Voie de Bouddha, c’est difficile. Pour une carte postale, de l’argent, une voiture, c’est facile : merci, merci. Pour cela il n’y a aucune difficulté à montrer de la reconnaissance. Mais pour la Voie de Bouddha c’est difficile, il est difficile qu’existe la reconnaissance.

Comment trouver le plus important, l’essentiel de notre vie ? Maître Deshimaru avant chacune de ses conférences chantait l’action de grâce de maître Daïchi : « Je rends grâce à la compassion des trois trésors, avec le corps reçu de mes parents. » Ce n’est pas difficile alors d’accepter la Voie de Bouddha, mais les êtres humains ne le veulent pas, c’est différent des désirs des hommes et des femmes. »

Regardons cette sesshin de dix jours, c’est le programme des douze heures de pratique de maître Daïchi. On se lève quand sonne la cloche du réveil, on va au dojo quand sonne le bois, manger la guen-maï, chanter les sutras, la vaisselle, préparer les légumes pour le repas, même se reposer en début d’après-midi est les douze heures de pratique. C’est la foi, la foi en la pratique, la foi en le corps tout entier, complet, des cheveux jusqu’aux pieds. Ne voyez pas en tout cela une routine, mais pénétrez-en en profondeur, en étant éveillé à tout ce que vous faites et en y trouvant la réalité religieuse. Alors tout cela prend un sens, c’est évident. Mais si vous passez ces journées avec l’esprit ailleurs, ou tourmenté par des questions ou votre vie quotidienne, alors tout cela ne sert strictement à rien. Il faut sauter dans l’océan pendant ces dix jours. Alors vous pouvez comprendre remercier.

Merci d’être ensemble, de pouvoir pratiquer une posture noble avec son propre corps, merci de pouvoir célébrer le fait d’être vivants ici et maintenant. Etienne disait : « C’est le soi-même qui rencontre le soi. » Nous pouvons vivre notre vérité, notre réalité pendant ces dix jours, pas besoin de feinter, de combattre, de s’échapper, nous pouvons être réellement nous-même, avec notre véritable visage et notre vraie vie. Alors surtout ne râlez pour rien, remerciez, merci pour la guen-maï, merci pour notre pratique, merci pour cette vallée, ces montagnes, cette vie de la nature, merci et sampaï.

Zazen 6

Nous continuons à écouter l’enseignement d’Etienne par delà les années.
« Maître Daïchi dit aussi : « La vraie transmission des Bouddhas et des patriarches est de s’asseoir justement. » Ne rien remâcher dans l’esprit, même pas Bouddha. Ceci, c’est transcender tous les Bouddhas, transcender la vie et la mort.

Une fois que vous avez été lancés dans l’océan de tous les Bouddhas, pratiquez comme eux ont pratiqué et ne pensez jamais intimement à votre corps et à votre vie. Comprendre ici et maintenant est la véritable religion, non pas après la mort, non pas au paradis, sinon ici et maintenant.

Si vous vous concentrez ici et maintenant, vous pouvez en finir avec tous les karmas et naître immédiatement sur la terre de Bouddha. Ce type de naissance n’est pas seulement une fois, mais c’est continuer, continuer d’instant en instant, dans une pratique sans fin. Il n’y a rien d’autre que cet instant d’un jour et d’une nuit. C’est la vie des Bouddhas et des patriarches. C’est être immortel. »

Lorsque les gens entendent le mot de religion, ils pensent avec un esprit philosophique, ou font appel à des références ou des images mystiques. Ils associent religion et croyance, croire en Dieu, en Yahvé, au Prophète, au paradis ou à l’enfer, à tout un système de révélations, d’extases, d’édits et de commandements. Si vous voyez le zen, ou la Voie religieuse de cette façon, alors vous ne pouvez voir dans la pratique du zen la véritable Voie religieuse, parce que ce terme veut alors dire quasiment autre chose. Etienne dit : la véritable religion est ici et maintenant, la foi en notre pratique, la foi en le corps tout entier, la foi en notre esprit, en la vérité inexprimable, la foi dans la plus haute dimension humaine, dans une éthique de vie claire et sincère, dans un amour englobant tous les êtres sans faire de discriminations, de faire les choses pour elles-mêmes et non pour en tirer un profit, une reconnaissance de notre ego, une vie nette, ouverte. Voici le sens de la Voie religieuse, ne salissez rien avec votre ego, faites confiance.

Quand on dit : les Bouddhas et les patriarches on fait allusion également aux mêmes dimensions. Nous pratiquons maintenant ainsi les Bouddhas et les patriarches existent-ils maintenant. Bien sûr il y a toute l’histoire de la transmission, mais celle-ci prend sa réalité dans le fait qu’existe la pratique de maintenant. C’est en ce sens que nous disons : nous sommes les Bouddhas et les patriarches. Ce n’est pas un livre d’histoire mais une actualisation réelle. Ainsi faut-il comprendre ce que dit Etienne dans la suite de son enseignement :

« La concentration sur zazen, c’est s’abandonner aux Bouddhas et aux patriarches, ne penser ni au bien, ni au mal. Il n’y a rien à attraper dans l’esprit, rien à faire. Cela est ce qu’on appelle zazen, c’est le roi du samadhi. Même si vous ne faites qu’un peu zazen, c’est la pratique qui transcende toutes les pratiques du Bouddha, celle qui nous libère du karma de la naissance et de la mort et qui nous élève au niveau des patriarches et des Bouddhas. »

Comment se libérer du karma de la naissance et de la mort, je veux dire, comment, maintenant ? Concentration sur zazen. Abandonnez le corps et l’esprit. Abandonnez le corps pris dans la naissance, la jeunesse, l’adolescence, l’âge adulte, l’âge mûr, la vieillesse, la décrépitude et la mort, et trouvez vous dans le corps de maintenant. Abandonnez l’esprit qui s’attache au passé, qui fantasme sur l’avenir, abandonnez cet esprit-là et laissez l’esprit de la nature des choses prendre la place. Abandonnez-vous au samadhi et demeurez dans la tranquillité.

Zazen 7

Etienne continue :
« Quelle est la règle des douze heures ? La règle exacte des douze heures ? Ce corps est utilisé pour la Voie, pour zazen.
Les gens vont à la religion, à la philosophie, ils veulent comprendre. Je veux trouver Dieu. Je veux avoir le satori. Je veux avoir de l’argent. Je veux des honneurs. Mais pour la Voie, aller sans argent et sans honneurs, c’est parfait. Sans rien. C’est le corps abandonné, la posture de zazen, les activités des douze heures.

Le corps abandonné brille dans toutes les directions. De n’importe quel côté qu’on le regarde, il est parfait. Pendant les repas, pendant le sommeil, même lorsqu’on est saoul, c’est possible. Briller dans toutes les directions n’est pas une affaire privée, ce n’est pas une décision personnelle. C’est remercier Bouddha, Dieu. C’est payer la dette de gratitude envers l’univers entier. »

Si vous partez d’un point de vue personnel sur la Voie, le dharma, l’éveil, alors vous ne ferez que rester dans votre dimension personnelle et risquez de continuer à croire que vous êtes le centre à partir duquel vous pouvez contempler le reste. C’est assez semblable à l’enseignement de Yoda à Luke Skywalker dans le 5ème chapitre de la saga de Stars Wars : tu dois faire passer la force à travers toi. Justement remercier Bouddha, remercier le dharma, remercier la vie qui vous a mis en contact avec cette pratique religieuse, c’est vous sortir de votre sphère personnelle. « Ne soyez pas comme quelqu’un qui se met sous sa couette pour sentir ses propres pets », disait Etienne.

Nous faisons tous partie d’un tout, inséparables les uns des autres, inséparables de la nature. C’est comme le corps : si une partie du corps est malade, tout le corps le ressent et en souffre.

Peu de religions ou de pratiques religieuses ont gardé les prosternations, appelées sampaï dans le zen. Dans le dojo nous pratiquons plusieurs postures, la posture de zazen, kin-hin, gassho et sampaï. Pour moi sampaï a toujours été une grande pratique d’humilité et d’abandon. Jamais un être arrogant ne pourrait sincèrement pratiquer sampaï, se prosterner, abandonner son corps, se retrouver dans une position d’action de grâce. Il ne s’agit certainement pas de se dire d’un point de vue personnel : c’est moi, je me prosterne, avec une attitude pharisienne. Pour pratiquer sampaï vous devez sur le moment couper avec vos vues personnelles, plier votre corps vers la terre, vous abandonner sans défense. Sur le moment c’est une action que nous vivons directement par le corps, pas le temps de réfléchir à une signification quelconque, nous sommes simplement présents dans cet acte, mushotoku. Toute dimension purement personnelle est automatiquement abandonnée. C’est aussi remercier : je m’incline, merci, merci.

Une fois au CERN un musulman a fait ses prosternations sur l’herbe du parking devant l’atelier principal au milieu des voitures. Comme Ombudsman, certains sont venus se plaindre, ils étaient choqués. Moi pas. Pour lui j’espère que c’était un acte naturel. Peu de gens comprennent ce qu’est sampaï. Ils croient que nous nous prosternons devant quelqu’un ou devant quelque chose, peut-être cela dépend de ce que croient les pratiquants mais en essence c’est juste prosterner son corps et remercier.

Le fait de ne rien demander à la Voie des Bouddhas et des patriarches ne signifie pas qu’il n’y ait rien que nous pourrions remercier. D’un point de vue vulgaire les gens pourraient dire : « je ne demande rien, je n’ai rien demandé et donc je vois pas pourquoi je remercierai qui ou quoi que ce soit ! » Justement dans le zen et la pratique religieuse on ne demande rien mais on remercie avec la posture de zazen, avec gasshos, avec sampaï. La pratique de la reconnaissance est une bonne pratique, en pratiquant cela automatiquement votre ego passe derrière, votre point de vue personnel fixe passe derrière et l’humilité passe devant. Pratiquez donc sampaï de tout votre corps et votre âme, même vos cellules en seront contentes et cela vous satisfera dans la Voie du bien.

Zazen 8

Suite de l’enseignement d’Etienne :
« Une fois Sensei me donna un rakusu sur lequel il y avait ce poème calligraphié :
La lune s’élève au-dessus de la rivière
Le vent souffle entre les pins
La brume de l’hiver, de l’automne
La rosée, les nuages
Sont le véritable kesa que revêt notre corps.

Ce merveilleux paysage qui le fait ?

Lui me dit : « Qui a fait cela ? » A la question : qui ? Personne ne peut répondre. Si vous voulez répondre à cette question, vous ne pouvez pas le faire avec votre cerveau, avec vos catégories. C’est impossible, vous devez voir les préceptes de Bouddha de manière vive, marcher vivants, faire zazen vivants, se reposer vivants, la manière d’être vivants. Qui ? Qui a fait cela ? Vous devez répondre par votre posture de zazen, par la conscience pendant zazen, par la manière d’être. Les vrais préceptes de la nature de Bouddha sont les préceptes vivants. La réponse qui ne stagne pas, qui ne reste pas immobile est aussi insaisissable, éternelle. Nous devons l’entendre, suivre le système cosmique, inconsciemment, naturellement. Aussi on dit Dieu te regarde. Tout le monde se sent coupable. Cette dimension est petite, on peut la comprendre, on peut la saisir, on peut s’y conformer. La brume de l’hiver, la rosée, les nuages, qui les comprend ? C’est la nature entière qui nous enseigne. Moi et l’univers, moi et tous les phénomènes nous avons la même racine. Ainsi donc, quand cette question « Qui » se réalise dans notre vie, ce sont de véritables préceptes vivants. Inconsciemment, naturellement, automatiquement tous les phénomènes, la brume, l’automne, la rosée, tout, tout, tout devient le kesa de notre corps. Ni le péché, ni le dharma ne se séparent jamais de cela, du corps authentique de l’être humain. »

En effet lorsque vous réalisez que votre corps humain authentique n’est jamais séparé du dharma, tous les préceptes deviennent vivants. Ainsi respectez la nature et le monde et vous respecter vous-même ne sont pas séparés, Eviter tout acte nuisant à autrui est éviter tout acte qui nuit à vous-même également. Au contraire créer un monde dans lequel vous pouvez vivre heureux est créer un monde dans lequel chacun le pourra aussi. Bien sûr vous ne pouvez tout maîtriser et tout changer uniquement par vous-même mais vous pouvez faire votre part, celle-ci ne sera jamais perdue ni négligeable. Même si vous lancez un petit caillou dans l’océan, les vagues aussi fines soient-elles finiront toujours par atteindre le rivage. Dans le dharma rien ne se perd, tout se transforme, ainsi pouvons-nous agir pour que ces transformations aillent dans le sens du bien. Si cela est notre vœu, notre désir, alors automatiquement les préceptes de la nature de Bouddha seront pour nous une évidence et naturellement nous les respecterons car ce sont des préceptes de vie.

Etienne dit : « Vous devez voir les préceptes de Bouddha de manière vive ». Non pas comme des édits morts, des obligations définies par une administration aussi haute puisse-t-elle être, que les gens suivraient uniquement par peur des punitions infligées par le système. Vous imaginez la scène : « Je ne tue personne parce que je risque d’être pris et il serait injuste que j’aille en prison. » ou bien : « Qu’est-ce que ça peut faire si je mens personne ne va s’en rendre compte de toutes façons. » « Excusez-moi je ne voulais pas avoir ce mauvais comportement, je n’ai pas fait exprès, surtout laissez moi partir, je ne veux pas aller au tribunal. » C’est idiot, les préceptes véritables ne sont pas définis par de telles considérations extérieures, ce sont des préceptes vivants. Sinon c’est la loi : pas vu, pas pris. Mais tout est le dharma qui n’est jamais séparé du corps authentique de l’être humain.

Zazen 9

En lisant ces kusens d’Etienne, je tombe sur les phrases suivantes, en étant content que cela soit dit une fois finalement :
« Un maître zen idiot réfléchit comment adapter la pratique des anciens aux débutants, faire des classes différentes, des programmes différents. Tous les groupes zen sont comme cela, en Amérique, au Japon, partout en Europe. »

En ce qui concerne zazen, le satori, les actions de la pratique, je ne peux voir aucune différence entre anciens et débutants. Ces termes, comme anciens – ça pue l’auréole à plein nez – ne sont d’ailleurs employés par ceux qui les emploient que lorsqu’ils sont teintés d’un esprit se croyant légèrement inconsciemment supérieur : « Je suis un ancien moine, tu dois me respecter. » Ou : « Je suis le premier disciple, le secrétaire, le tenzo, le comptable, tu dois me respecter. » En ce qui concerne zazen, le dharma, la pratique, aucune différence. Par ailleurs penser : « Tes trente ans de zazen, je n’en n’ai rien à secouer » est totalement arrogant et contraire au respect de soi et aux préceptes vivants. Tous nous sommes des compagnons de la Voie et respectons les débutants autant que nous respectons les pratiquants qui continuent au cours de nombreuses années. Mushotoku pour tous, l’illumination silencieuse est pour tous, le dharma n’est séparé de personne.

Etienne continue :

« Autrefois, on ne doutait pas qu’un jour avait douze heures et maintenant on ne doute pas qu’il en ait 24. Cela ne veut pas dire qu’on ne comprenne pas le temps. Maître Dogen dit : « On peut calculer le temps et le diviser, mais chaque instant, chaque moment est différent.
Les personnes éveillées et non éveillées. Le temps recouvre tout. C’est l’existence pure. Quelle est la mesure juste ? Il n’y a pas de réponse en dehors du temps, la réponse c’est le temps, le débutant c’est le temps, zazen c’est le temps, 24 heures c’est le temps et bien que l’on commette des erreurs, on ne s’est jamais lancé hors du temps. Qu’est-ce que le temps ? Nous ne pouvons pas le comprendre. Qu’est-ce qui est sûr ? Qu’est-ce qui est faux, qu’est-ce qui est juste, qu’est-ce qui est injuste ? Pouvoir décider de ces choses-là, c’est planter des clous dans l’océan. Maître Daichi dit aussi :
« Les actions de la pratique ne sont pas autre chose que le satori, être debout ou couché. C’est une grande erreur que de vouloir pratiquer zazen sincèrement et penser que vous n’aurez pas besoin d’être sincère au moment du repos. »
Un jour et une nuit. Notre vie entière n’est rien de plus qu’un jour et une nuit. »
On parle beaucoup d’ici et maintenant. Un jour et une nuit contiennent les activités spirituelles, matérielles, celles de la vie de tous les jours, l’équilibre de la vie d’un jour et d’une nuit. Ainsi tous les jours et toutes les nuits sont vécus comme la totalité d’un seul jour et d’une seule nuit.


Zazen 10

Suite des kusens d’Etienne :
« La pratique d’un jour et d’une nuit est celle des Bouddhas et des patriarches. Aucun instant ne nous échappe. Si vous continuez ce jour et cette nuit, 20 ans, 30 ans, toute une vie, ils ne seront plus que cette journée et cette nuit. En cessant de désirer votre propre corps, vous devenez l’océan des trois trésors, et le karma de la naissance et de mort est annulé immédiatement. Que l’on remercie votre père et votre mère maintenant même. On dit que les Bouddhas pratiquent pendant de nombreuses vies, pendant des temps infinis. Mais cela n’est rien de plus que la pratique sans fin d’un jour et d’une nuit. N’abandonnez jamais le temple et n’allez jamais dans la demeure des laïcs. La pratique, c’est le roi du samadhi et si vous désirez sincèrement dans cette vie être un Bouddha, il n’y a rien d’autre que la pratique constante. Dans le bouddhisme on dit toujours devenir Bouddha, se convertir en Bouddha dans cette vie, ici et maintenant. Mais cette vie est Bouddha, que vous pratiquiez ou que vous vous reposiez, cette vie est Bouddha. Ici et maintenant c’est Bouddha. Etre Bouddha, avoir le satori, n’est pas une fin, n’est pas un objectif. Si vous comprenez, si vous digérez JI NI JI HO GO, chaque endroit est un temple, chaque endroit est un monastère, partout vous vivez dans un endroit sacré. Le deuxième patriarche Eka était boucher, Eno était pêcheur. Plus jamais ils n’abandonnèrent le monastère. On dit que le Bouddha a pratiqué durant des kalpas infinis et qu’il continue encore et pour l’éternité. C’est l’être temps. L’être, le temps, sont unité. Le temps n’existe que dans l’instant, ici et maintenant, toujours ici et maintenant. Mais l’être n’existe que dans la durée, il n’existe que dans Gyoji, la pratique sans fin, la pratique sans fin est cet instant. Un jour et une nuit, c’est l’action simple de notre vie quotidienne, Marche, se laver, manger, aller aux toilettes, dormir … »

Zazen 11

« La pratique de tous les Bouddhas, c’est de suivre les règles du temple, ne jamais sortir du temple, ne jamais fuir de l’ici et maintenant. Si on pratique comme cela durant un an, deux ans, ou même toute une vie, ce n’est rien de plus que la règle d’un seul jour et d’une seule nuit. »

La pratique réelle, celle qui existe, est la pratique d’aujourd’hui. Nul ne prédire celle de demain, peut-être on se tape un infarctus pendant la nuit ou on se prend une comète en plein dans le quartier. La pratique de hier, quel en est vraiment l’intérêt, des anciennes années non plus, n’existe que la pratique d’aujourd’hui. Ceci n’est en rien différent de notre vie, notre vie réelle est celle d’aujourd’hui. « J’ai vécu 66 ans. » Oui et alors ? Demain ? Je ne sais pas. Continuer notre vie de pratique. Vous comprenez ? C’est la règle d’un seul jour et d’une seule nuit.

Cette sesshin en honneur d’Etienne Mokusho Zeisler est bientôt terminée. Une sesshin de gratitude, de remerciement. Que chacun d’entre vous puisse en tirer une détermination tranquille de continuer sa vie de pratique, chaque jour. N’oubliez pas le sens de votre vie, votre dimension humaine, réalisez la chance que vous avez d’avoir touché ce point si fondateur en vous-même et continuez. Toujours dans nos vies il y a des phénomènes, des emmerdes, un agenda, mais tout cela ne prend un sens réel que par une vie de pratique religieuse, tout n’est que la règle d’un seul jour et d’une seule nuit.

Poèmes de Ryokan

Je marche le long d’un cours d’eau, cherchant sa source
J’arrive là où la source semble commencer, perplexe,
Réalisant qu’on n’atteint jamais la source véritable
Appuyé à ma canne, partout autour le murmure de l’eau.

…………

Dans mon ermitage en chaume
Depuis si longtemps je demeure sans le moindre moyen
Comme les algues ramassées par les pêcheurs
Mes pensées entremêlées

Pareil à la rosée sur les herbes de la lande de Musashi
Vivre cent ans, vivre cent ans
Ce corps point ne pourra

Dans ce monde de rêve tant de rêves
Où en pèlerinage je passe la nuit dans une auberge
Au réveil, solitaire, les pensées me submergent

Nuage flottant je n’attends plus rien
Et laisse mon corps suivre
Le vent à sa guise

Comme un mince filet d’eau
Se frayant un passage entre des rochers couverts de mousse
Aussi allègrement j’ai traversé cette vie

La vie en ce monde à quoi la comparer ?
A un écho qui se propage
Et se perd dans le vide

Ce que le vénérable Bouddha enseigna dans les temps anciens
Transmis jusqu’à aujourd’hui
M’emplit de gratitude. 
En ce monde je n’évite pas
De me mêler à la foule
Mais au passe-temps de la solitude
Je suis bien meilleur

…………….

Dans ce monde prospérité et décadence sont comme les nuages aux formes changeantes
Cinquante et quelques années ont passé comme dans un rêve
La pluie éparse « siao siao » tombe sur ma hutte
Oisif, enveloppé dans ma bure de moine
Je reste accoudé à la fenêtre silencieuse
Jeune j’ai quitté mon père pour voyager dans les provinces étrangères
Peinant pour imiter le tigre
Je ne suis même pas parvenu à imiter le chat
Si les gens m’interrogent sur mon sentiment intérieur
Je leur réponds :
« Je suis juste le même vieux Eizô »

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