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HISTORIQUE DES SEIZE PRECEPTES : Les 3 Trésors, Les 3 Préceptes purs, Les 10 kai

TEISHO 1 : Fondation et évolution des préceptes en Inde

Sariputra s’adressa au Bouddha et lui dit :

« C’est le bon moment pour l’Honoré de faire connaître les règles de la formation des disciples et d’établir les préceptes, de telle façon que cette vie sainte puisse continuer et perdurer longtemps. »

Le Bouddha lui répondit :

« Attends Sariputra, le Tathagata connaîtra le bon moment pour cela. Le maître ne fait pas connaître les règles de la formation des disciples ni établit les préceptes jusqu’au moment où certaines conditions causant des pertes apparaissent dans la sangha, alors le maître fait connaître les règles de la formation des disciples et établit les préceptes de façon à éviter de telles conditions, et cela dès que cela se présente alors que la sangha a atteint un haut niveau de connaissances. »

Avant cela le Bouddha n’édicta pas de règles car il s’agit que la sangha murisse d’abord et s’éloigne de son ignorance.

D’autre part la sangha est exempte d’immoralité, sans danger, pure et basée sur l’essentiel. Le plus en arrière de tous est déjà quelqu’un qui est entré dans le courant et se dirigeant vers la réalisation de l’éveil.

Et même si ces conditions arrivent le Bouddha ne promulgua pas un code complet en une seule fois, mais il formula des règles en réponse aux évènements du moment.

Histoire de Sudinna : il était moine. Sa famille était riche ainsi sa mère lui dit qu’en temps de la famine présente il devrait éviter que les gens leur prennent tout et donc concevoir un enfant avec sa femme passée (qu’il avait avant de devenir moine). Il le fit dans la forêt et un enfant naquit Bijaka. Comment as-tu pu faire cela ? lui dit le Bouddha.

Ainsi le Bouddha : « A cause de cette offense, je vais édicter les règles de la formation des moines fondée sur dix raisons : pour l’excellence de la sangha, pour empêcher la honte, pour la paix des moines qui se conduisent bien, pour empêcher tout épanchement ici et là, pour prévenir que cela se passe dans une prochaine vie, pour le bénéfices des incrédules, pour l’augmentation des croyants, pour établir le véritable Dharma, et pour encourager la discipline. Tout moine engagé dans un rapport sexuel ne sera plus en communion avec la sangha. »

Ainsi le début des préceptes fut édicté par le Bouddha.

Le code pour les moines fut appelé le Vinaya, la discipline. Il dicte des règles strictes qui gouvernent le fait que l’ordre maintienne sa légitimité et perpétue son existence.

Le Dharma-Vinaya fut le nom que le Bouddha utilisa pour la religion qu’il fonda. Dès le début les préceptes ont une très grande importance.

Ce code pour les moines contient 277 articles. Les quatre principaux sont :

  • Ne pas s’engager dans l’acte sexuel même avec un animal femelle
  • Ne pas prendre ce qui n’est pas donné (ils étaient des moines mendiants)
  • Ne pas enlever, ne pas tuer, une vie humaine, ni contracter un assassin et n’inciter personne à mourir
  • Ne pas clamer que soi-même a atteint un état humain supérieur.

Dans le bouddhisme les préceptes sont des règles et des guides pour former l’esprit de façon juste ainsi que ses manifestations dans les comportements physiques et verbaux et ainsi de faciliter les progrès sur le chemin de la libération. Sila, la moralité ou la vertu, constitue une fondation essentielle pour obtenir l’éveil spirituel ultime. Avec la concentration et la sagesse. Ils ne sont pas vus comme des buts en eux-mêmes mais comme des étapes nécessaires pour réaliser l’éveil.

Pour les laïcs, il y a 5 préceptes :

  • S’abstenir d’ôter la vie
  • S’abstenir de voler (donc ne prendre que ce qui est offert)
  • Ne pas avoir une mauvaise conduite sexuelle
  • S’abstenir de mentir
  • Ne pas prendre des intoxicants

Pour les laïcs qui veulent s’engager plus il y a 8 préceptes, 3 de plus : ne pas manger après midi, ne pas danser, ni chanter, ni musique, ni parfum, et ne pas utiliser des lits luxueux. Mais cela seulement quelques jours par mois coïncidant avec la pleine et la nouvelle lune, jours de confession.

Pour la vision morale de base des moines il y a dix préceptes : les 5 principaux plus les 3, plus ne pas porter de bijoux, ne pas porter ni de l’or ni de l’argent.

A côté de cela il y a le code de la discipline monastique des moines et des nonnes avec plus de 200 préceptes. Ceci a contribué à établir l’ordre monastique comme une institution, la sangha. Ils préservent l’image de la sangha comme un modèle de rectitude aux yeux des laïcs. La communauté dépendait des dons et donc ne pouvait être engagée dans des scandales. Et cela réglait la vie monastique (comme la règle de Saint Benoît pour les couvents). Tous les 15 jours se tenaient des confessions publiques et la récitation des préceptes. Et des fois punitions.

Finalement le Théravada Vinaya contenait 227 préceptes pour les moines et 311 pour les nonnes. La différence réside dans le fait que les nonnes devaient le respect aux moines. C’était aussi dans les coutumes de l’époque où la condition des femmes était inférieure.

Le nombre des préceptes pouvait varier d’une école à l’autre, car il n’existait aucune autorité supérieure pour tout le monde. Les préceptes étaient communiqués oralement et dans des langues différentes. La communauté bouddhiste était éparpillée dans des régions différentes, avec des coutumes différentes. Mais pour les principaux préceptes, ceux-ci étaient pratiqués de façon générale.

Ceci était la situation pour le bouddhisme hinayana, qu’en est-il dans le mahayana ?

3 mois après la mort du Bouddha eut lieu le premier concile où tous les anciens se réunirent. A ce concile Ananda reporta que le Bouddha avait dit que les préceptes mineurs pouvaient être mis de côté. Mais il avait oublié lesquels. Mahakashyapa s’exprima en faveur de garder tous les préceptes ce qui fut le cas pendant 100 ans.

En 443 avant J.C. eut lieu un deuxième concile. Il discuta si 10 préceptes mineurs pouvaient être abandonnés. Il y eut un grand désaccord et l’Ordre se sépara, un schisme, entre le Nord qui utilisait le sanskrit qui devint la faction Mahayana et le Sud utilisant le Pali qui fut nommé Hinayana.

Dans le Mahayana, la tradition attache une grande importance à la moralité et à l’observation des préceptes. Ceux-ci sont intégrés à la carrière du bodhisattva. A cette époque les moines et nonnes mahayana ont pris les préceptes du Vinaya. Il n’y avait pas de grande attention portée entre les deux. Dans le mahayana : 58 préceptes, dix principaux et 48 mineurs. Ceci avec une importance donnée au vœu du bodhisattva de prendre soin de tous les êtres, ce qui marque une certaine distance par rapport à une stricte discipline gérée par plus de 200 règles. Les préceptes pouvaient être administrés aussi bien aux laïcs (ordination de bodhisattvas) qu’aux moines et nonnes.

On verra que les deux, Vinaya et préceptes mahayana vont cohabiter. Ce n’est qu’au Japon quand Saicho créa l’école Tendai qu’il demanda la permission d’établir un temple avec des ordinations purement mahayana. Ce qui donna lieu à une approche différente des préceptes que dans le reste du monde bouddhiste.

Les préceptes d’après le Bouddha peuvent être brisés soit par la haine, soit par l’ignorance. L’observation des préceptes a des significations différentes pour les auditeurs et les bodhisattvas. Le Bouddha dit à Upali :

«  Pour les bodhisattvas les préceptes n’ont pas besoin d’être observés littéralement et strictement alors qu’ils le doivent par les sravakas, les auditeurs. Bien qu’ils gardent les purs préceptes, les bodhisattvas doivent se conformer avec les êtres sensibles, mais les auditeurs n’ont pas à le faire. La différence réside dans le fait pour le véhicule des bodhisattvas les préceptes sont à la fois permissifs et prohibés. Même si un bodhisattva brise un précepte, pour autant qu’il n’abandonne pas l’esprit de la Voie, il est dit ne pas avoir brisé les préceptes. »

Et :

« Upali il est très difficile pour ceux qui suivent le mahayana d’atteindre l’illumination suprême ; ils ne peuvent y arriver à moins d’être équipés avec de grandes et magnifiques vertus. Ils sont d’autre part nullement gênés d’être mêlés au samsara pour d’innombrables kalpas. Pour cela le Tathagata trouve qu’il ne devrait pas toujours enseigner la doctrine du renoncement pour les pratiquants du mahayana. A la place ils devraient être instruits d’une doctrine profonde, magnifique, en unisson avec la gentillesse et la joie, la doctrine du détachement et de la liberté du reproche et du remords, la doctrine de la vacuité évidente, de telle façon que les bodhisattvas ne se fatiguent pas du samsara et atteignent l’illumination ultime sans échouer. »

Et :

« Upali un bodhisattva ne devrait pas avoir peur des passions qui peuvent l’aider à tenir les êtres sensibles dans ses bras, mais il devrait se méfier des passions qui lui causent d’abandonner les êtres sensibles. »

Conclusion :

L’hinayana a des règles strictes, le Vinaya, pour les ordres monastiques, en plus des préceptes principaux.

Le mahayana octroie les préceptes aussi bien aux laïcs qu’aux moines. Ceux-ci doivent être vus dans une vision basée sur les vœux du bodhisattva et non sur une stricte obédience.

Seulement au Japon à la création de l’école Tendai, Saicho a voulu créer un ordre purement dirigé par les principes mahayana.

Les différentes écoles, créées parce qu’elles avaient l’autorisation de donner des ordinations, se distinguaient donc par leur appréciation des préceptes. Changer les préceptes n’était en aucun cas une petite histoire, bien au contraire il s’agissait d’un aspect fondamental prioritaire dans le fondation d’une nouvelle école, ce qui demandait souvent beaucoup de lutte et d’autorisation finale.

Par la vacuité de toutes choses, on peut également dire :

Briser les préceptes est par nature vacuité

Suivre les préceptes est par nature vacuité.

Car tout est formes mentales.

Ainsi le Bouddha dit à Upali :

« Manjusri prêche le Dharma sur la base de l’inconcevable, de la libération sans aucune entrave. Pour cette raison quelle que soit la doctrine qu’il prêche elle nous permet de nous libérer des formes mentales, qui est la libération de notre esprit. Il permet aux arrogants d’abandonner leur arrogance. »

Les préceptes ne sont pas un objet d’études théoriques, mais d’étude dans la vie elle-même de chacun.

Teisho 2 : Evolution des préceptes en Chine et au Japon.

Chine

Comment le bouddhisme émergea en Chine n’est pas si clair, probablement déjà au 1er siècle. Les textes du Vinaya furent traduits au 5ème siècle principalement. Se posa la question entre le Vinaya pour les ordres monastiques et ceux du mahayana qui sont plutôt des exhortations à faire le bien et qui s’adressent à tous les êtres sensibles. En plus des différences de coutumes, de climat il y avait la question : qui avait l’autorité de décider d’adapter les règles aux conditions chinoises ? Au début ils n’étaient pas préparés à la complexité des textes et règles venant de l’Inde. Ils développèrent donc leurs propres standards qui convenaient mieux à leurs communautés. Certaines même avant les traductions du Vinayana. Il est improbable que les codes monastiques du bouddhisme indien aient pu être implémentés sans modifications vu la différence de la culture chinoise et le pragmatisme des chinois, par exemple concernant : l’ascétisme, l’idéal de renonciation. D’autre part les textes indiens contenaient aussi des règles issues de la culture indienne.

En plus dans le sutra de l’estrade (donc à voir avec les ordinations) Eno dit :

« Vos préceptes, méditation et sagesse sont pour encourager les personnes de moindres capacités, mon enseignement est fait pour les hommes de réalisation supérieure. Du fait de l’éveil à sa propre nature, je n’instaure ni préceptes, ni méditation, ni sagesse. »

Le Chan construisit de nouveaux préceptes qui permettaient de réagir aux conditions changeantes. L’importance de l’esprit dans les règles commença à se manifester.

Fut édité alors les Règles Pures pour les monastères chinois suivant les normes culturelles et sociales en vigueur en Chine. Elles prennent leur source dans les textes du Vinaya mais adapté à la Chine de l’époque. Ce nouveau code offre des lignes directrices pour les moines itinérants, stresse l’importance d’étudier sous la direction d’un maître dans différents monastères, et un protocole pour demander l’instruction de l’abbé. Une hiérarchie fut développée dans les monastères, ainsi que des règles de comportement vis à vis des moines de rangs différents.

La séniorité des ordinations fut un facteur clé pour régler les relations dans les temples, car la Chine ne connaissait pas les castes comme en Inde.

Plusieurs aspects provinrent également du protocole de Confucius, ainsi les monastères bouddhistes ressemblaient à la cour impériale en miniature avec l’abbé comme empereur. Leurs administrations furent également influencées par l’imitation des procédures des gouvernements civil et militaire.

Néanmoins au début du Chan en Chine, il n’existe pas d’évidence que les règles se distinguaient des règles du Vinaya. Ce n’est donc pas une déclaration d’indépendance du Chan en réaction aux règles du Vinaya.

Pour preuve par la suite quand Dogen arriva en Chine, avec son ordination Tendai du mahayana, il ne disposait pas de l’ordination complète car il n’avait pas reçu tous les préceptes du Vinaya, qui étaient encore en vigueur en Chine. Par conséquent les chinois pour plusieurs semaines lui interdirent de débarquer, vu qu’ils ne le considéraient pas comme titulaire d’une ordination reconnue par les autorités du Chan.

Japon

Le Japon est une île et comme il était difficile d’aller sur le continent il leur était difficile de faire des ordinations, donc de remettre les préceptes, selon les manières orthodoxes. Par conséquent toute l’histoire des préceptes au Japon peut être considérée suivant les préceptes du mahayana et non plus selon les complications du Vinaya. Ce fut un grand changement dans la pratique bouddhiste.

La grande transformation se passa avec Saicho (autour de l’an 800) qui fonda l’école Tendai. Il proclama que les ordinations devaient être faites selon les 58 préceptes du mahayana (10 majeurs et 48 mineurs). En cela il voulait se libérer du contrôle des autres écoles bouddhistes de Nara. Néanmoins les discussions entre les préceptes du Vinaya et ceux du mahayana continuèrent et durèrent environ 1000 ans.

Saicho dit :

« Maintenant les étudiants de mon école devront étudier les préceptes du mahayana, la méditation et la sagesse. Ils devront abandonner les pratiques inférieures du hinayana. »

Au Japon il y eut donc :

  • Des temples exclusivement du mahayana où vivaient les bodhisattvas
  • Des temples hinayana où vivaient des maîtres du Vinaya
  • Des temples mixtes.

En rejetant les ordinations Vinaya au profit des rituels dérivés du mahayana Saicho supprima de façon implicite toute distinction entre les laïcs et le clergé car les préceptes du bodhisattva ne faisaient aucune différence entre eux.

La pratique du mahayana embrasse l’intégralité de la Voie de Bouddha en prenant en considération les trois catégories de la moralité (les préceptes), de l’étude et de la sagesse. Aujourd’hui nous avons les ordinations de bodhisattva qui sont des ordinations laïques et celles de moines et nonnes, mais les préceptes sont les mêmes.

Conclusion :

Pendant la période avant Dogen et l’introduction du zen soto, le Vinaya et les préceptes cohabitèrent selon les monastères.

Les Pures Règles des monastères Chan sont issues des règles monastiques du Vinaya.

On trouve encore un peu la même situation aujourd’hui :

Les vœux du bodhisattva

Les trois trésors et trois refuges

Les 10 kai, issus historiquement des préceptes principaux

Et les règles à l’intérieur des temples et des dojos.

Des adaptations selon les coutumes et pays du Vinaya n’ont pas entièrement disparu.

Les préceptes sont liés aux ordinations, donc à la création d’une école avec des préceptes spécifiques qui la distinguent des autres écoles. Ils sont donc fondateurs au même titre que les rituels de pratique, la transmission. Etablir une école nouvelle était un vrai parcours du combattant comme on va le voir avec Dogen et la création du zen soto.

Les préceptes selon Dogen

Dogen regarda les préceptes non pas comme liés à des détails de texte ou des prescriptions morales mais bien comme suivant l’éveil lui-même. Pour lui recevoir les préceptes provient de la bouddhéité et à la fois le zen et les préceptes sont l’œil du véritable Dharma. La question de suivre les préceptes, comme dans le Vinaya strict, est de moindre importance ; c’est la prise des préceptes, la cérémonie, qui confère un bénéfice transcendant.

Il introduisit donc un nouveau système de remise des préceptes selon 16 préceptes. Ceux-ci incluent :

  • Les trois trésors ou trois refuges : Bouddha, Dharma, Sangha
  • Les trois préceptes purs : faire le bien, ne pas faire le mal et libérer tous les êtres sensibles
  • Les 10 préceptes majeurs (les kai)

Ce système diffère de façon significative des autres écoles, Tendai, Terre Pure, Nichiren). Et représente pour Dogen une séparation claire de l’hégémonie de l’école Tendai au Japon. Ce sont les grands préceptes du zen soto. Ainsi le zen soto s’établit sur cet unique set de préceptes et sur les cérémonies d’ordination. Les deux sont entièrement liés.

Ceux-ci ont mis les fondations pour l’indépendance du zen soto et se sont révélés essentiels pour la création de nouveaux temples soto. Ils donnèrent des ordinations sans l’approbation ni du gouvernement, ni des temples principaux, faisant un pas déterminé vers le contrôle de leurs propres affaires. Pour Dogen la Voie de l’éveil enseignée par le Bouddha et les Patriarches ne peut pas ressembler aux pratiques du bouddhisme hinayana ou à l’obéissance stricte à des préceptes considérés comme mineurs ; la plupart le sont dans le Vinaya aux vues du mahayana et de la carrière du bodhisattva.

Les préceptes sont plus qu’une simple admission dans la communauté bouddhiste. La cérémonie d’ordination accompagnée du certificat de transmission, et les préceptes, indiquent une relation claire avec le Bouddha et confèrent un charisme puissant.

Dans les cérémonies de transmission du Dharma, les préceptes sont donnés une seconde fois, ce qui montre leur importance.

Dogen regardait les préceptes non comme bornés par des détails de texte mais comme des prescriptions morales liées à l’éveil lui-même. La prise de préceptes entraîne la Bouddhéité et le zen et les préceptes sont l’œil du véritable Dharma. La question de suivre les préceptes est de moindre importance, c’est le fait de prendre les préceptes, la cérémonie, qui confère un mérite transcendant.

De plus Dogen établit trois principes :

  • Les préceptes
  • La méditation, zazen
  • La sagesse

Qui sont les trois satisfaits lors de zazen.

Dogen s’est alors plus penché sur les procédures monastiques qui servirent comme chaudron pour guider le pratiquant vers l’actualisation de l’esprit intérieur du cœur pur.

Les bouddhistes japonais ont donc distingué entre la lettre des préceptes (jikai) à laquelle ils accordaient une moindre importance et l’essence spirituelle ou préceptes idéaux (rikai) qui étaient considérés à l’égal de la bouddhéité elle-même. L’ordination durant laquelle les personnes reçoivent les préceptes représente l’une des confirmations rituelles les plus avancées de la libération complète.

Le but de l’ordination, de sa cérémonie, est la confirmation rituelle de la nature de Bouddha, cimentant le lien qui unit une personne individuelle, limitée, avec l’universel, le Bouddha absolu. On comprend bien que la personne qui donne l’ordination et remet les préceptes n’est qu’un passeur.

La pratique pure désigne donc la pratique de la méditation et l’observance des préceptes. Chez Dogen à la place que les préceptes soient considérés réglementer le comportement, ils confèrent à celui qui les reçoit l’esprit d’éveil.

Conclusion :  

Tout le zen soto ne peut être considéré sans prendre en grande considération les cérémonies d’ordination et les préceptes bouddhistes.

 

KUSENS – LIGNES DIRECTRICES

Zazen 1

Les 3 refuges

Dans le bouddhisme indien, la signification de prendre refuge était semblable à la façon dont nous l’utilisons en français. Cela voulait dire s’abriter ou se protéger, ou alors relié à un sanctuaire. Souvent cela voulait dire que les moines entraient au monastère. Comme le terme shukke au Japon, quitter la demeure. Ceci est resté dans le fait de faire sampaï dans la direction de sa famille qui correspond donc à l’action de prendre refuge dans les 3 Trésors.

En ce temps prendre refuge dans le Bouddha signifiait à la fois suivre le Bouddha historique lui-même, l’homme en fait, ou suivre l’éveillé.

Après son éveil le Bouddha alla s’asseoir au pied de l’arbre de la bodhi et il se trouva que deux marchands vinrent à lui pour lui faire des offrandes. Le Bouddha les accepta alors ils dirent : « Nous venons prendre refuge dans le Bouddha et dans le Dharma. A compter d’aujourd’hui que l’Honoré du monde nous compte au nombre de ses disciples. Nous sommes venus vers lui pour être avec lui tout le temps que nous respirerons. »

Le Bouddha est l’éveil, le Dharma est la vérité et la sangha est la pureté.

Prendre refuge, c’est à dire se dédier à, est suivre la Voie de l’éveil, celle de Bouddha, de la vérité. En ce temps la sangha n’existait pas encore. Y trouver refuge dans sa vie, y trouver sa source.

Au départ la sangha voulait dire l’ordre des nonnes et moines qui pratiquaient avec le Bouddha. Par la suite cela voulut dire tout groupe de pratiquants bouddhistes.

Aujourd’hui on ne sait plus très bien si la sangha est l’ensemble de tous les pratiquants du zen, ou ceux qui font partie d’une sangha particulière et suivent l’enseignement d’un maître. Pour cela le terme de Grande Sangha a été inventé. Grande Sangha peut ou non avoir de limites.

Sutra de l’Estrade, Eno : « Les sutras disent de prendre refuge dans le Bouddha à l’intérieur de vous-mêmes, il ne disent pas de prendre refuge dans d’autres Bouddhas. Si vous ne comptez pas sur votre propre nature, il n’y a rien d’autre sur quoi vous pouvez compter. »

Les trois refuges représentent la fondation sur laquelle les préceptes vont être reçus. Cette introduction des trois refuges dans la liste des préceptes est une innovation de Dogen. Des trois refuges découlent naturellement les autres préceptes.

Le Dharma signifie également l’enseignement du Bouddha vu qu’il fut le premier à dévoiler un enseignement sur le Dharma. Par la suite on parlera du Bouddha-Dharma, alors qu’au temps de Bouddha on parlait du Dharma-Vinaya.

Prendre refuge, suivre dans sa vie, l’enseignement du Bouddha sur le Dharma. La sangha étant aussi la communauté des éveillés. Voilà l’importance primordiale des trois refuges.

Zazen 2 

Introduction aux préceptes

Dogen considère les préceptes comme l’œil véritable du Dharma, comme la réalisation de l’esprit de Bouddha. Effectivement si vous possédez l’esprit de Bouddha et menez une vie de bodhisattva les préceptes seront naturels pour vous. Sinon alors ce seront des règles strictes à observer, ceci pour les auditeurs. Elles représentent donc des aspects différents pour les pratiquants du mondain, les auditeurs et les bodhisattvas qui les ont automatiquement intégrées dans leur pratique de Bouddhas vivants.

Mais il ne faudrait pas que les auditeurs, dont la réalisation est incomplète commencent à les prendre à la légère en pensant que comme les bodhisattvas les règles strictes sont du hinayana. Pour cela il faut être guidés par les vœux du bodhisattva, le bien de tous les êtres sinon ce n’est que de l’illusion karmique.

J’ai toujours été touché par l’amour de Marie-Madeleine portait au Christ. En nous nous avons tous un espace vide et nous n’arrivons jamais à le connaître entièrement malgré le désir de le réaliser. Ce désir est comme la foi, le désir d’un refuge que nous savons ne jamais pouvoir totalement atteindre. De là nait notre compassion et le fait que naturellement nous sommes touchés par le bien car nous en avons besoin nous-mêmes, au plus profond de nous. Si nous partons de cet endroit, source de notre foi, de notre amour et de notre compassion, ce qui est en fait tout à fait une condition naturelle, alors nous n’avons pas besoin des kais, nous les avons en nous sans les considérer car notre seule considération est le bien.

Le problème est que nous oublions vite. Le kais nous rappellent à ce désir de créer pour nous et autour de nous, pour tous, le même esprit religieux et nous écartent du mal. Un véritable bodhisattva a naturellement en lui l’impossibilité de briser les kais. Mais il le fera un jour ou l’autre, c’est comme ça. Alors comment faire ? Des gens sont dans l’obligation pour survivre de voler des choses à manger ? Strictement c’est briser un kai. Comment alors voir les kai avec de la compassion, sinon on risque de tomber dans des lois où on coupe la main d’un voleur pour une tranche de pain ou une pomme.

Aussi vaut-il mieux voir l’aspect positif des kai et non un aspect répressif, du style ne fais pas ci, ne fais pas ça. Il faut donc pratiquer la sagesse et ne pas forcément s’en tenir à la lettre des kais qui originellement étaient fait pour les monastères. Fuyo Dokai achetait le riz pour toute l’année et ensuite le divisait par jour quel que soit le nombre de présents. Voler du riz était alors voler la nourriture de la sangha, se mettre en dehors de la sangha d’une certaine façon et cela était inacceptable dans le bon fonctionnement du monastère car créant une cause de grands problèmes entre les moines.

Par exemple :

Ne pas tuer                             =          Protéger la vie

Ne pas voler                           =          Accepter seulement ce qui nous est donné

Ne pas convoiter ou

ne pas avoir de mauvaise

sexualité                                 =          Etre satisfait de ce que nous avons

Ne pas mentir                         =          Préserver la vérité

Ne pas s’intoxiquer                =          Vivre de façon naturelle

Ne pas critiquer                      =          Regarder tout d’un œil favorable

Ne pas s’admirer                    =          Etre conscients de ce que nous sommes vraiment

Ne pas être avare                    =          Etre généreux de cœur et en dons

Ne pas se mettre en colère     =          Garder son attention sur ses réactions

Ne pas avoir d’opinions

Erronées ou dogmatique        =          Prendre sincèrement refuge, suivre le Bouddha-Dharma

Les kusens seront très simples, ils sont destinés à ce que vous portions tous une attention et une réflexion profonde sur les préceptes, sur notre prise de préceptes, sur notre ordination, laïque ou moniale, et sur ce que nous pratiquons maintenant tous et dans quel esprit, ici mais surtout tous les jours, qui je vous le rappelle nous sont comptés.

Zazen 3

Les 3 préceptes purs.

  1. Ne pas faire le mal et si le mal apparaît le diminuer
  2. Faire le bien et si le bien est apparu l’augmenter
  3. Libérer tous les êtres sensibles, précepte similaire au premier vœu du bodhisattva

De façon absolue le bien et le mal se définissent l’un par rapport à l’autre. Ils n’existent que l’un en relation avec l’autre comme le jour et la nuit.

Cela ne veut pas dire que le bien ou le mal n’existe pas. Sur le chemin du bodhisattva, le chemin du bien, le mal n’apparaît. Qui comprend le bien, comprend le mal aussi, il est capable de juger d’une conduite éthique et de ne pas tomber dans l’enfer du mal. Qui ne connaît que le mal n’a aucune notion du bien.

Des fois oui le bien tourne en mal et le mal en bien dépendant des causes et des circonstances. Il s’agit ici de l’intention de faire le bien. L’intention est liée au karma : l’intention de faire le bien génère du bon karma, de faire le mal du mauvais karma. Nous en sommes entièrement responsables.

Les 3 préceptes purs englobent tous les autres préceptes. Pour libérer tous les êtres tous les moyens habiles du côté du bien peuvent être utilisés. Ces préceptes, généraux, définissent une éthique de vie pour chacun.

Une fois un disciple demanda à son maître : « Quel est l’essentiel du bouddhisme ? ». Il lui répondit. « Faire le bien. » Facile dit le disciple même un enfant de quatre ans peut le comprendre. « Oui mais, dit le maître, même un vieillard n’arrive pas à la pratiquer. »

En fait le vœu de libérer les êtres montre le chemin à prendre. Ce qui est bien va dans ce sens. Tout ce qui consiste à enchaîner les êtres est mal. En suivant avec attention ce mode de vie, nul ne peut se tromper sur la Voie. Après bien sûr les choses peuvent tourner dans un sens ou un autre. Libérer les êtres par les actes, par les paroles, par l’attention donnée, par la générosité, par l’enseignement, l’accompagnement, par la vérité, par une conduite digne de celle du Bouddha et de tous les Patriarches qui l’ont suivi.

Dans la tradition du Vinaya, les trois préceptes purs sont liés au trois corps de Bouddha :

Dharmakaya : « La véritable, ou libératrice, nature de toutes choses est sans forme et inconcevablement merveilleuse. Elle ne peut être attrapée, mais elle peut être réalisée à travers les formes de la vie quotidienne. »

Sambhogakaya : « En pratiquant avec foi le premier précepte pur, nous sommes libérés de l’égoïsme et des actions de mal et nous pouvons entrer dans la Voie de la libération. Cette félicité qui provient gratuitement du fait de renoncer à ses préoccupations égoïstes est la source d’embrasser et de soutenir le bien. »

Nirmanakaya (corps de la forme réalisée du Bouddha) : « Après avoir réalisé le non-moi par la pratique du premier précepte, et rempli de l’immense joie et enthousiasme du second précepte, votre corps et votre esprit sont flexibles et réceptifs et prêts à être transformés en ce qui est nécessaire pour le bien de tous les êtres. Cette transformation est l’accomplissement du troisième précepte pur du bodhisattva, S’absorber dans le bien et se libérer de la sensation de son existence propre déborde en nourrissant tous les êtres et en les aidant à murir. »

On ne peut faire le bien qu’à la condition que le mal disparaisse, tant que le mal rôde il est difficile de faire le bien de façon efficace.

Les 3 préceptes purs sont la base du bodhisattva. En prenant l’ordination, c’est à dire en recevant les préceptes, chacun doit avoir à l’esprit de s’engager à pratiquer les préceptes, la base pure des préceptes, sinon cela ne serait que mensonges et folklore, ou pire tentative de s’approprier un avantage personnel.

Zazen 4

Ne pas tuer ou protéger la vie.

Dans les cérémonies d’ordination chacun dit oui, oui, oui, après chaque précepte. Ce oui est un engagement réel sinon les ordinations ne peuvent plus signifier ce pas décisif d’entrée sur le chemin du Bouddha. Ce oui change votre esprit et votre vie. Ne pensez jamais que cela pourrait être une formalité, on le fait et on oublie, non. Suivre le Bouddha Dharma change la vie, son emploi du temps, ses occupations, chacun doit l’accepter car continuer sur son mode mondain est perdre son temps sur la Voie de Bouddha. Donc aux ordinations chaque fois on le répète, on renouvelle cet engagement, on arrête d’être des amateurs. Il faut comprendre que demander l’ordination est s’engager sur la Voie, après il s’agit de la suivre car des fois ça coûte.

Dire : ne pas tuer est un koan dont on ne sort jamais. Ne pas tuer un homme, une femme, facile à éviter, nous ne sommes pas des assassins. Mais un poisson, un serpent, une fourmi, une plante, une bactérie. Impossible sinon il nous serait totalement impossible de survivre. Donc si on dit ne pas tuer, on commence à faire des catégories : un cheval non, un cochon oui, un oiseau non, une punaise oui et finalement on respecte le kai en théorie mais on s’en arrange. Cela n’est pas satisfaisant.

Une fois dans une sangha pour la fête ils avaient commandé un sanglier aux chasseurs. Pour moi franchement c’était trop. On fait attention pendant les sesshins mais après ?

Il y a aussi ne pas tuer une liberté, un amour, un espoir, l’eau ne pas la salir, la terre ne pas la détruire, l’air ne pas le polluer, tous les êtres ne pas les oublier. Ne pas tuer soi-même, son corps, son esprit, son raisonnement, son attention, ne pas tuer sa vie, nous n’en avons qu’une et nous en avons besoin pour aider les autres. On peut tuer tellement de choses.

Il faut à la fois pratiquer ce kai avec sagesse, c’est la responsabilité de savoir de chacun, personne ne peut vous donner la liste complète de ce qui est possible et de ce qui est vraiment trop. C’est pour cela que les dix kais se situent dans le contexte des trois trésors et des trois préceptes purs, Dogen l’a bien exprimé, et ne sont pas séparés du Bouddha-Dharma. Il faut voir les kais à l’intérieur du Bouddha-Dharma qui leur donne une direction bénéfique pour tous et non selon des considérations uniquement mondaines, théoriques ou philosophiques. Il s’agit de notre vie, de notre comportement vis à vis de la vie et de la mort aussi.

Si à la place on dit ; protéger la vie, préserver la vie, on se libère, on s’engage dans un sens positif. C’est beaucoup plus dynamique. Faut-il préserver la vie à tout prix donne lieu à des interactions infinies : l’avortement, le suicide assisté, la fin de vie, la peine de mort encore pratiquée dans de nombreux pays. Oui mais il s’agit de nous-mêmes, de nos intentions, de notre responsabilité et de nos décisions. Toujours il faut choisir, c’est le grand koan de la vie, le Genjo Koan. Il n’y a nul besoin de creuser les mêmes koans pendant des années sur le chien, le drapeau qui bouge, la vie nous en donne suffisamment à condition d’être éveillé.

Dans le bouddhisme l’intention est très importante. C’est elle qui génère ou non du karma. Notre intention doit être de protéger la vie. Chacun est responsable de sa position sur ce que signifie pour lui : protéger la vie, en se plaçant toujours avec l’enseignement du Bouddha-Dharma. Chacun est responsable de se conduire comme un bodhisattva. Les Jaïns balayaient devant eux pour éviter de tuer une fourmi et étaient strictement végétariens. D’autres sont végétariens mais mangent des poissons, chacun doit décider. Suis-je végétarien à cause des conditions mauvaises dans lesquelles la plupart des animaux sont élevés, ou parce que le rendement pour faire de la viande est catastrophique ou parce que je les considère faisant partie des êtres sensibles ? Ou ne le suis-je pas ?

Le bouddhisme ne vous donne aucune injonction extérieure, vous devez savoir par vous-mêmes. Alors faisons le vœu de protéger la vie tout en sachant que des fois il va falloir choisir. Choisir de faire le bien et de repousser le mal, en nous-mêmes.

Zazen 5

Ne pas voler ou accepter seulement ce qui nous est donné.

Dans le passé et encore aujourd’hui dans de nombreux pays et dans le bouddhisme Théravada en particulier, les moines vivent des aumônes. Ils ne prennent rien, seulement ce qui leur est offert. Ils ne risquent pas de voler quoi que ce soit à moins qu’ils ne se transforment en voleurs en voulant plus. Cela prend des années pour posséder vraiment un esprit de générosité, mais il suffit d’une seconde pour devenir un voleur, pour que pousse en soi-même l’intention karmique de voler quelque chose et de le faire. Délicate question.

Dans le temps quand nous étions à Cuba, les pratiquants du zen exprimaient bien le koan : ne pas voler oui, mais des jours nous n’avons aucune solution. Y a-t-il une intention de voler ou non ? Si nous sommes dans une situation où il nous paraît impossible de suivre les kai selon certains critères, alors nous sommes responsables de ces critères. Il serait faux d’accuser seulement la situation ou les autres. Evidemment il est facile de ne pas voler quand on détient ce dont on a besoin mais si un jour la situation s’inverse d’un coup, quelle sera notre réaction instinctive ? A la rue, sans moyens de s’en sortir ? Dans le bouddhisme il n’y a pas la police du bouddhisme ou la police du zen, chacun doit décider dans l’instant. Il n’y a pas de péché. Le mondain et le Bouddha-Dharma vont s’affronter, nous ne sommes pas des saints et nous tenons à la vie aussi. Tout le monde tient à la vie, voler est arracher dans la vie de quelqu’un d’autre. Même voler les impôts !

Il s’agit de ne pas avoir l’esprit du voleur et ne pas générer de mauvais karma. Il y a deux sortes de karma : le karma individuel et le karma collectif. En générant du mauvais karma on pollue le karma collectif pour tout le monde. Les kais demandent une réflexion profonde sur comment nous menons notre vie. C’est beaucoup plus compliqué que de ne pas piquer dans la caisse !

Des fois quelqu’un demande l’ordination, il la veut et l’obtient. Il pourrait penser qu’il a obtenu ce qu’il voulait alors qu’en fait il a reçu un don du Dharma qu’il lui appartiendra de faire fructifier. Que la graine plantée donne un arbre, que celui-ci fleurisse et qu’il donne finalement des fruits ! Par l’ordination que la pratique donne également des fruits, Lin-chi disait pour les générations futures.

Il y a une grande différence entre prendre ce que nous voulons de la terre, ou des ordinations, et accepter ce qu’elle nous donne, ou réaliser ce qu’il est convenable de rétrocéder. L’amour aussi n’est pas quelque chose qui se prend, mais qui se donne. Accepter ce qui nous est donné, ne pas le voler est une bonne loi. Rien ne nous appartient en propre, nous échangeons ce qui est là. Dans une telle vue voler ne prend de sens que si nous considérons que les choses nous appartiennent ou appartiennent à quelqu’un d’autre. En considérant que tout est échange et que nous ne possédons nous-mêmes rien en propre, la notion de vol disparaît de notre esprit au profit d’un échange mutuel. Comme beaucoup j’ai été médusé quand le président de Nestlé a dit que l’eau n’était pas un droit, sous-entendu nous on va l’acheter et vous la vendre.

N’accepter que ce qui nous est donné : par la terre, par l’eau, les saisons et la lumière du soleil par exemple, c’est à dire ne pas prendre ce qui ne nous est pas offert ou ce qui n’a pas fait l’objet d’un échange. Par exemple on paie la location de cet endroit pour le camp d’été. C’est une situation claire : on occupe l’endroit dont le maintien est porté par une organisation, on paie pour y être, c’est un échange. Je travaille sur l’enseignement dont je suis capable de vous faire don et vous vous faites don de votre samu, nettoyage, cuisine, service, vaisselle, café, participation éveillée. Ce n’est pas payer pour l’un ou pour l’autre mais faire un don mutuel. Préparer les kusens et les teishos est un samu point différent de nettoyer les escaliers, chacun apporte sa contribution dans la balance de l’échange de façon à ce que rien ne soit volé par qui que ce soit.

Donc ne pas voler quoi que ce soit mais recevoir les choses comme un don, en toutes circonstances, est bien plus reposant pour l’esprit. Et arrêter de toujours vouloir plus, car ce plus est souvent ce qui est volé. Le bodhisattva, satisfait de son existence, n’est pas touché par l’esprit du voleur. Le mondain frustré de ne pas avoir tout risque d’être touché par l’esprit du voleur.

Zazen 6

Ne pas convoiter, pas de mauvaise sexualité ou être satisfait de ce que nous avons.

La convoitise fait partie des trois souillures : la convoitise, l’ignorance et la haine.

Bouddha : « Puisque l’être humain cupide recherche la renommée et l’intérêt personnel, il a également beaucoup de tracas et d’ennuis. L’homme de la voie ne recherche rien, ne convoite rien, il échappe à ce tourment. L’être humain sans cupidité ne cherche pas l’attention de l’autre, il ne cherche pas à le flatter…  Il n’est pas non plus attiré par les racines sensorielles. L’absence de cupidité mène à un coeur pacifié, exempt de tout souci et de toute crainte. »

Nous connaissons « mushotoku » : sans  saisie, sans calcul personnel, sans vouloir accrocher quoi que ce soit pour un bénéfice personnel. Sans convoiter quoi que ce soit. C’est terrible des fois les gens sont dévorés par la convoitise : gagner au loto ou au casino et ils perdent tout leur argent, du rêve, une vie remplie d’aventures comme dans un film de James Bond, des créatures magnifiques pour un homme, des Apollons généreux, aimants, drôles et pleins d’esprit pour une femme, par exemple je sais pas trop, si on veut on peut tout convoiter, c’est une question d’esprit, regarder ce qu’ont les autres. Et on passe à côté de sa vie, à côté de ce qu’on pourrait donner, mangés par ce qu’on pourrait acquérir.

Se satisfaire de ce que l’on a est une grande sagesse. Contemplez la sagesse de vous satisfaire de ce que vous avez, trouvez vos propres richesses, votre plaisir simple, votre paix et une certaine douceur de vivre. Etre rassasiés par ce que l’on a est une joie de l’existence.

« Laissez tomber votre manteau de roi et vos guenilles de mendiant », disait Etienne. Même un roi séjournant dans un palais magnifique avec des grosses voitures, de belles femmes qui l’aiment toutes, de la nourriture fine, s’il est victime de ses appétits ne sera jamais satisfait. Un jour ou l’autre il réalisera que tout cela le laisse sans vie réelle, comme une vie absurde. Un mendiant, l’esprit de mendiant, toujours à réclamer quelque chose, une reconnaissance, une attention, un petit quelque chose de plus, laissez tomber cet esprit.

Cet enseignement invite à la joie pure de l’existence, cette joie que l’on peut trouver : soyez entièrement satisfait avec le zazen, la guen-mai, la sangha et votre vie simple.

Ne pas avoir de mauvaise sexualité se relie historiquement à l’histoire du moine Sudinna qui fit l’amour avec celle qui fut sa femme avant qu’il ne devienne moine. Le Bouddha lui dit : « Comment peux-tu, espèce de fou, te lancer là-dedans alors que j’enseigne le Dharma pour le bien des êtres de ne pas convoiter ? » Et le Bouddha créa les préceptes pour les moines pour la paix dans la sangha, ce fut le départ. « Quel que soit le moine qui se livre à un rapport sexuel il est celui qui est vaincu ; il n’est plus en harmonie avec la sangha. » Aujourd’hui cela peut s’appliquer à la sexualité sans amour par exemple, au viol bien entendu ou à forcer qui que ce soit.

Zazen 7

Ne pas mentir ou préserver la vérité.

En premier lieu ne pas se mentir à soi-même et regarder en face sa propre vérité. Si nous ne faisons pas cela alors le regard que nous porterons sur les autres sera entaché de notre mensonge peut-être, de nos projections sûrement.

Ne pas mentir ou favoriser la vérité est une question de confiance. Il est évident que mentir est rompre la confiance ; avec un esprit de mensonge la confiance si nécessaire pour nous tous, comme un refuge, est détruite.

Dans le fait de préserver la vérité, il y a l’aspect absolu et l’aspect relatif. L’aspect relatif est l’aspect mondain, celui de tous les jours avec le mensonge et la vérité. Dans ce monde dualiste il n’y a pas d’alternative entre les deux, chacun doit choisir de suivre ce précepte ou non. Dans la vie quotidienne, tous ceux qui ont reçu les préceptes lors de leur ordination ont pris l’engagement de les suivre et donc s’ils ne le font pas cela correspond à briser les préceptes. On ne peut pas à la fois accepter de recevoir les préceptes et penser continuer sa vie avec le même esprit, sans y porter une grande attention. C’est le monde des conséquences. Si vous créez une cause, les conséquences apparaîtront. Il s’agit de ne pas créer de cause où nous serions pris entre cacher ou favoriser la vérité. Ce précepte peut donc s’exprimer : ne créez pas de cause qui vous conduiraient à considérer mentir.

Enseignement de Bouddha : « Si l’esprit devient impur, les actions qui en dé- coulent seront impures. Si les actions sont impures, il y aura de la souffrance. C’est donc de la plus grande importance que l’esprit et le corps demeurent purs. »

Dans l’aspect absolu, la vérité est absolue, le Dharma est la réalité de toutes choses, la vérité. On ne pourrait pas considérer le mensonge dans le Dharma, le mensonge fait partie des six mondes de transmigration, le monde des Dieux, des demi-dieux les Titans – les guerriers, des humains, des êtres cupides et affamés, des animaux, et de l’enfer. Les mondes de la souffrance. Si nous perdons la conscience de ce qui est absolu dans les préceptes ceux-ci ne sont plus que des règles de bonne société, dans la dimension de ces six mondes. Le monde de l’éveil, de la compassion et de la vérité ne peut s’accorder du mensonge.

La meilleure façon de préserver la vérité est de marcher sur la Voie de l’éveil, ainsi aucune cause pouvant donner lieu au mensonge ne peut être générée par le bodhisattva et aucune souffrance ne sera générée. Sur le chemin de la vérité le mensonge n’existe pas.

Ne pas mentir ; oui, oui, oui. Je m’y engage. Je m’engage à éviter les causes de mensonge.

Zazen 8

Ne pas critiquer ou regarder tout d’un œil favorable.

Les gens adorent critiquer. Quoi que vous disiez ou quoi que vous fassiez il se trouvera toujours quelqu’un pour vous critiquer, phrase du moine Myoken.

Ne pas critiquer les trois trésors, ne pas critiquer la sangha, voilà ce dont nous parlons. Le reste fait partie des six mondes de la transmigration que les bodhisattvas doivent connaître sans y être nullement attachés ; ils vivent dans les six mondes par compassion pour tous mais n’en font pas partie. Dans les six mondes, les gens tuent, volent, mentent, critiquent, les bodhisattvas, les personnes de haute éthique qui ont acceptés de recevoir les préceptes ne doivent avoir rien à voir avec ce naraka, ni ce monde animal, des zombies affamés, des guerriers sanguinaires ou de ceux qui s’admirent, ou des humains qui n’ont pas une claire vue de leur existence.

Personne ne va critiquer le Dharma, seuls les imbéciles et les ignorants, de même pour le Bouddha. Si vous critiquez dans votre cœur le Dharma ou le Bouddha vous n’avez rien à faire dans le zen. Evitez aussi les phrases en l’air, stupides, qui ne sont que des critiques voilées : « Je n’ai toujours pas l’éveil mais je continue zazen. » ou « Je ne lis pas d’enseignements sur le Bouddha-Dharma, je pratique seulement zazen. » ou « Le zen n’est pas du bouddhisme. » Tout est le Bouddha-Dharma, y compris la méditation, la posture, les sutras, les pensées et les actes, la respiration, les teishos, les kusens tout est enseignement. Ceux qui ne réalisent pas cela ne font qu’essayer de se grandir alors qu’ils sont juste ignorants et arrogants.

Donc ne critiquez pas la sangha, ne critiquez pas les maîtres zen, ni leur enseignement, ni la transmission depuis Bouddha, ne critiquez pas vos compagnons et compagnes de la Voie. Ne vous croyez pas supérieurs à qui que ce soit en vous attribuant des mérites qui ne sont que ceux de votre naissance, des causes et des conditions de votre vie. Si vous avez la chance de rencontrer la grande Voie des Bouddhas, ne perdez jamais votre temps à regarder dans l’assiette de quelqu’un d’autre, ni dans ses paroles, ni dans ses actes, soyez votre propre maître. Adressez-vous à vous-mêmes, disait Etienne. Ouvrez votre esprit à tous les enseignements

Mon expérience de 35 ans dans les sanghas m’a appris une chose, que j’ai vue à maintes reprises : quiconque critique la sangha finira par s’en aller. Nul besoin de l’écarter, il s’écartera lui-même et finira par partir.

Protégez votre pratique, dans toutes circonstances chercher l’enseignement qui peut s’y trouver à la place de vous braquer dans des discussions, des avis personnels, des opinions, des critiques muettes ou privées et regardez chacun d’un œil favorable. La sagesse populaire dit : « Il y a une grande différence entre la masturbation et porter le bébé à terme. » Tout cela est une bonne loi. La critique de la sangha n’est pratiquée que par les arrogants, des auditeurs qui croient tenir la vérité, car plus vous êtes éloignés de la Voie plus vous croyez en être remplis. Plus vous êtes proches de la Voie plus vous réalisez tout ce qui vous manque. Ce précepte a l’air mineur mais au contraire il est essentiel dans la focalisation de notre esprit vers des buts favorables et utiles à tous, conduits avec compassion et sagesse. Critiquer n’a pas sa place dans ce monde là.

Zazen 9

Ne pas s’intoxiquer ou vivre de façon naturelle.

Une grande qualité d’éveil est l’attention. Sans attention le risque est de passer sa vie sans s’en rendre compte réellement. Chaque disciple de Bouddha devrait aider tous les êtres sensibles à obtenir une claire sagesse et non de créer les causes, les conditions de s’intoxiquer.

Au départ ce précepte était uniquement dirigé vers le fait que les moines dans les monastères ne devaient pas consommer de boissons alcoolisées. Il était très strict surtout dans l’interdiction de vendre des boissons ou autres intoxicantes. Il peut aussi être interprété par : « Ne vendez pas d’illusions. » Egalement ne buvez pas la liqueur des illusions, ne vous laissez pas en envahir par vos illusions et ne transmettez pas d’illusions. Aujourd’hui il se lit différemment .Il est dit dans la cérémonie des préceptes de la transmission du Dharma :

Deshimaru : « Vous devez comprendre les préceptes à partir d’une dimension élevée. Bien sûr ne buvez pas trop ; mais le point important est de ne pas intoxiquer votre esprit. »

Etienne : « Pour ceux qui pratiquent zazen, qui cherchent la Voie, vous ne devez pas vous intoxiquer, pas être en extase, pas devenir des religieux ésotériques. Zazen c’est revenir aux conditions normales. Un vrai religieux ne doit pas vendre d’alcool ésotérique, extatique, mystérieux : par exemple : le satori, le paradis, l’extase. »

Etienne : « Si on est intoxiqué par la religion, par une superstition, par une philosophie erronée, on ne peut plus s’éveiller. C’est une ivresse, une intoxication éternelle, une réincarnation éternelle. Si vous êtes ainsi vous ne pourrez pas entrer dans le dojo. Le dojo c’est regarder notre esprit, comprendre notre karma par zazen. »

Règle 13 du Ju Undo Shiki, les règles du dojo de Dogen : N’entrez jamais dans le dojo lorsque vous êtes ivre.

Etienne : « Plus on pratique zazen, plus on peut comprendre qu’on n’est pas tellement pur ; plus on peut réaliser que notre esprit est intoxiqué, ivre. Rien ne montre plus notre ego que zazen. Les disciples du Bouddha avaient un esprit complètement pur. »

Etienne : « Me comprendre moi-même, comprendre mon karma, oublier mon corps et mon esprit. Mais cela aussi, c’est une ivresse. Deshimaru disait : Zazen doit être réalisé dans la vie quotidienne. Se comprendre soi-même, faire sampai devant la statue de Bouddha, c’est inviter la vérité dans notre vie quotidienne, inviter le vrai nirnava dans notre vie quotidienne, au milieu de nos doutes et de nos ivresses. »

Zazen 10

Ne pas s’admirer ou être conscients de ce que nous sommes vraiment.

Dogen dit : « Ne jugez pas les autres, ne croyez pas que quelqu’un qui pratique depuis longtemps comprend beaucoup, et que quelqu’un qui pratique depuis peu de temps a une compréhension limitée, ou que les débutants sont forcément purs et les anciens trop habitués. »

Et Dogen termine le Tenzo Kyokun qu’il a écrit en 1237 au Temple de Kosho-ji pour les pratiquants du Zen des générations futures : « Que vous soyez chef de temple, moine ancien, responsable en charge d’une fonction, ou simple moine ordinaire, n’oubliez jamais de vivre avec joie, ayant l’amour profond d’un parent, et vous exprimant dans toutes vos activités avec un esprit sans préjugés. » N’oubliez pas non plus que dans le zen, disait Etienne, chacun s’adresse à soi-même, il ne s’agit en aucun cas de jeter ce genre de phrases à la figure de quelqu’un d’autre !! Il ne s’agit ni de s’admirer, ni de se dévaloriser.

Kodo Sawaki disait : « Dans le Dharma, dans la religion, la chose la plus détestable, c’est de montrer une tête de directeur ou de président, de maître ou de godo. Ce genre de choses ne peut satisfaire votre esprit. »

Il y a beaucoup trop d’affiches de sesshin de moines et nonnes qui viennent de sortir de l’œuf de la transmission se mettent des titres de maîtres. Finalement à mon âge sensei convient mieux. Wikipedia dit que la traduction française de sensei dans le bouddhisme est maître. Mais maître de qui ? Maître comme Dogen, comme Deshimaru ? Donnant quel enseignement ? Mais le kanji

  • sen : veut dire antérieur, d’une génération plus âgée, l’image de la plante qui pousse plus les jambes de celui qui va de l’avant symbolisent la pointe, l’extrémité et par extension antérieur
  • sei : veut dire vie, l’image d’une plante qui naît, qui pousse.

Il serait mieux alors de penser que cela veut dire né avant quelqu’un d’autre, ou de la génération d’avant, ceci sans utiliser sa consonance usuelle au Japon de maître, professeur ou de ce genre. C’est aussi un terme amical et respectueux, un peu familial, un peu comme le grand-père et pas du tout comme « le vieux », je vous avertis. Roshin, l’esprit du grand-père. Comme ma petite fille Mahatma qui m’appelle Papé, mes enfants aussi appelaient mon père Papé, au Japon ce serait peut-être sensei, en rigolant. Mais je peux quand même pas mettre sur des affiches, des dépliants ou des cartes de visite : « Papé Keisen ». Pourtant être un Papé dans le zen est merveilleux, tout le monde est patient avec vous, si ça tourne mal on dit « c’est l’âge ». Si vous mettez maître, encore faut-il que vous ayez des disciples qui vous appellent ainsi et qui vous respectent en tant que tel, c’est à dire qu’ils font ce que vous dites avec une pleine confiance. Alors sensei c’est plus simple, plus proche, cela peut comporter un respect sans être hypocrite. Si l’appellations maître est utilisée, certains se mettent à penser : « C’est pas un vrai maître, je refuse de le considérer comme un vrai maître, je n’ai pas besoin ni d’écouter ce qu’il dit ni suivre son enseignement, je pratique depuis de nombreuses années. Je n’ai pas besoin de lui. » Surtout quand ils ne sont pas d’accord. Et voilà les portes de l’enfer de l’admiration de soi s’ouvrent.

Zazen 11

Ne pas être avare ou être généreux de cœur et de dons.

La générosité est la plus grande qualité de l’éveil, la plus grande paramita exercée par le bodhisattva. Pourquoi ? Car elle demande d’abandonner son égoïsme.

Certaines personnes sont avares de leur argent, de leurs biens. D’autres sont avares de leurs connaissances (en particulier ici, leurs connaissances au sujet du véritable enseignement du Bouddha). Toute forme d’avarice est interdite. Est considérée en outre comme avarice le fait de vendre des choses de piètre qualité en prétendant que ce sont des choses de bonne qualité, ou distiller un enseignement mondain en prétendant que c’est le Dharma.

Au contraire avec un cœur généreux le monde change, généreux en paroles, en actes, en amour, en compréhension, en partage de l’enseignement du Bouddha. Sans cela il n’y a pas de bodhisattva, il n’y a que des gakis. Le Bouddha a dit : « Celui qui est cupide et avare renaîtra en tant qu’esprit avide après la mort et même s’il obtient une renaissance humaine, il passera sa vie dans la pauvreté. Étant dépourvu de bien-être, il n’aura pas les moyens d’aider les êtres et d’atteindre l’éveil ultime. »

Plusieurs grands maîtres en ont donné leur appréciation :

Katagiri Roshi : « Une personne qui suit la Voie ne possède rien de façon égoïste. »

Nishijima Roshi : « Ne dépréciez ni le Dharma, ni les possessions matérielles. »

Nishiyama Roshi : « Ne demandez aucune richesse ni spirituelle, ni matérielle. »

Maezumi Roshi : « Ne soyez pas avares. »

N’ayez pas de fonction mentale par laquelle il vous serait impossible, comme une addiction, de donner quoi que ce soit aux autres. Ne soyez pas non plus parcimonieux du style : « Bon ça va, j’ai assez donné, j’ai assez pratiqué, et les autres n’en font pas autant, il n’y a pas de raison pourquoi je continuerais tous les jours, je leur ai passé tout l’enseignement que j’ai étudié ils ne le lisent pas alors qu’ils se débrouillent par eux-mêmes maintenant, etc »

Au contraire : je demeurerai dans la maison du Dharma, du Bouddha et de la Sangha tous les jours de ma vie et donnerai sans retenue ce que j’ai, y compris mon cœur, ma compassion et ma sagesse pour le bien de tous les êtres.

La générosité est un principe fondamental et merveilleux de la vie. Pour le bien des autres et pour sa propre paix de l’esprit. « Je donne ou non à ce mendiant, à ce musicien des rues, à cette personne dans le besoin, à celui qui risque de tout perdre ou a tout perdu ? Combien ? » Comme si cet être n’existait pas, compliqué.

Générosité du contact humain également, regarder les gens, leur dire un mot gentil, les reconnaître, abolir toute séparation. La jeune Vénézuélienne me disait chaque fois que je lui disais bon dia, como esta ? Et lui donnait des pesos : « Gracias mi amor. » avec un sourire si lumineux que je ressentais une joie de la vie étincelante. Je recevais beaucoup plus, chacun donnait ce qu’il avait. Donc être avare c’est horrible, surtout pour un religieux c’est criminel.

Zazen 12

Ne pas se mettre en colère ou garder son attention sur ses réactions.

A vrai dire se mettre en colère ne sert à rien. Rien de plus facile que se laisser aller à se mettre en colère, mais après ? Comme tout le reste il s’agit d’une question d’attention.

Bouddha : « Rester en colère, c’est comme saisir un charbon ardent avec l’intention de le jeter sur quelqu’un ; c’est vous qui vous brûlez. »

Certaines personnes sont capables d’avoir une grande maîtrise d’elles-mêmes : on ne les voit jamais céder à la colère extérieurement. Elles semblent toujours calmes et sous contrôle. Elles peuvent même sourire et plaisanter avec quelqu’un qu’elles détestent. Mais intérieurement, elles bouillonnent de haine et sont pleines de ressentiment. Elles ne pensent qu’à se venger de l’affront qu’on leur a fait et comment faire le plus de mal possible.

Inversement, certaines personnes pleines de compassion et de bienveillantes peuvent céder à la colère, ce qui est pourtant une faute morale selon les préceptes. Mais cette colère n’est pas animée par une intention mauvaise. Par exemple, se mettre en colère devant un enfant qui joue avec des allumettes et qui allait mettre le feu aux rideaux de la maison. Voilà au fond, c’est l’intention qui est déterminante ? Avons-nous envie d’apporter au monde du bonheur et du bien-être et d’apaiser les souffrances que les êtres ressentent autour de nous ? Si on suscite en nous cette bienveillance et cette compassion, alors nos émotions humaines perdront de leur pouvoir destructeur, voire même serviront à la cause du bien.

Comme le dit l’ascète tibétain Shabkar :

« Qui a la compassion est bienveillant, même en colère;

Qui est sans compassion peut tuer, même avec un sourire. »

Dans le zen je pense qu’il est tout à fait possible de donner un enseignement sans se mettre en colère que ce soit avec une bonne ou mauvaise intention. On dit : par compassion le maître se met en colère contre son disciple, ou la compassion de Bodhidharma : le kyosaku. J’ai beaucoup entendu dans le zen dire : éduquer, à la place d’enseigner avec compassion. « Un maître éduque ses disciples. » Soit il y croit et ses disciples y croient, soit c’est du théâtre mais peut finir en tragédie plus qu’en comédie, soit il ne le fait pas. Si un pratiquant n’est pas capable de comprendre soit par lui-même soit par des explications claires, alors la colère est inutile car de toute façon il n’écoutera rien, ne comprendra rien. Pourquoi un compagnon de la Voie se mettrait-il en colère contre un autre compagnon de la Voie ? Et si celui-ci n’a pas l’esprit d’être un compagnon de la Voie, alors il n’y a rien à espérer de nos explications, autant laisser tomber.

Tozan arriva chez Nansen au moment où celui-ci s’apprêtait à célébrer un rite funéraire en l’honneur de son défunt maître Baso. Devant l’assemblée Nansen demanda alors : « Demain nous ferons des offrandes à Baso. Je me demande s’il viendra. » Seul Tozan trouva quelque chose à répondre : « Il viendra s’il trouve un compagnon à sa hauteur. » Impressionné, Nansen s’exclama : « Ce jeune homme offre un excellent matériau à sculpter et à polir. » A quoi Tozan répliqua : « Que le grand maître ne confonde pas un homme libre avec un esclave. » Et il s’en alla.

Dans le zen la colère est à la compréhension et à la compassion ce que la fanfare militaire destinée à ce que chacun marche au pas est à un concerto de Mozart.

Zazen 13

Ne pas avoir d’opinions erronées ou dogmatiques ou prendre sincèrement refuge et suivre le Bouddha-Dharma.

Les opinions dogmatiques sont insupportables et les gens qui en ont également. Ces opinions ne sont généralement pas fausses sur le fond, elles sont prises à la lettre sans souplesse d’esprit. Face à elles on se trouve comme en prison, comment faire comprendre que la vie, la pratique sincère, l’ouverture d’esprit, notre honnêteté fondamentale est blessée, le seul désir qui nous prend est que cette personne impénétrable et rigide se taise ! Une fois pour toutes s’il vous plaît.

Chacun prend refuge dans les trois trésors, les reconnaît comme des joyaux, plus précieux que des diamants, des émeraudes, plus précieux que les activités qu’il considère comme tellement importantes dans sa vie. Beaucoup de pratiquants même dans les sanghas considèrent que la pratique, les préceptes et le Dharma-Bouddha sont très importants, surtout quand ils n’ont rien d’autre de plus important à faire dans leurs activités mondaines et transitoires. Une chose change dans leur vie et la pratique de la Voie de l’éveil et des Bouddhas passe à l’arrière ou même à la poubelle. A notre mort, pour éviter par exemple de tomber dans les bardos transitoires dans l’instant, nous ferons face à ce que nous avons fait dans notre vie, à son absurdité. Alors une vie respectueuse, ouverte, aimante, honnête, généreuse, est le seul sentiment qui nous soutiendra je pense, avec le refuge des trois trésors, avec le samu de notre vie, notre vie spirituelle et religieuse.

Les trois trésors ne sont pas quelque chose, c’est notre esprit, celui qui chérit la Voie de Bouddha. Quand j’étais enfant j’étais fasciné par les énormes locomotives à vapeur dans la gare de Perrache à Lyon, leur souffle puissant, les énormes bielles, leur démarrage lent et inexorable. Il fallait chauffer la chaudière, graisser les bielles, emmagasiner suffisamment de charbon pour le voyage, vérifier la pression, voir tout en même temps et puis le vent de la course, comme un géant vivant dans le paysage. Sans remettre de l’eau, sans alimenter le four, sans pelleter le charbon elle pouvait continuer sur des kilomètres sur sa lancée. Mais pas si loin, pas tout le voyage, pour cela il fallait bosser. Aujourd’hui il suffit de tourner la clé pour que ça démarre, personne n’imagine plus les entrailles de la machine. La pratique s’en ressent, le bodhisattva ne se sert plus autant de son énergie.

Gardez l’esprit souple, pratiquez avec humilité car vous savez que c’est à vous à amener le charbon, le samu, et que sans vous le feu finira par s’éteindre. Là au milieu il n’y a pas de place pour des opinions dogmatiques.

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